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    le bigophone

    image les 3 pièces

    http://ekladata.com/3KBEjb0cC5dke_XU1yH_x6PvJ-k/94-R-dessin-mur-5-2-c-c.jpg

    http://jackymickyecrits.eklablog.com/les-3-pieces-a213068417

  • J'entrai dans la grande salle de ce vaste bâtiment.
    Je restais un moment interdit. Je ne savais pas où me diriger. Je ne savais pas où j'étais, ni ce que je venais faire dans ce lieu.
    J'étais seul dans cette surface immense.

     

    grand mur avec statue

     

    En face, sur le mur, il y avait deux portes et entre les deux, une statue colossale.
    De chaque côté de la statue, deux énormes grès gravés : l'un ' H U ', l'autre ' I T '. Les deux portes étaient ouvertes. Près de la porte de gauche, sur le mur, à hauteur des yeux se trouvait une petite plaque que je ne pouvais pas déchiffrer. L'ouverture de droite n'avait pas de plaque mais peut-être était-elle cachée par la porte qui s'ouvrait vers l'extérieur
    Indécis, je m’apprêtais à aller voir de plus près, mais je me rendis compte que ce n'était pas possible.

     

    J'étais chez moi, allongé, écrasé par la chaleur de ce début d'Août et je ne pouvais pas fermer cette porte puisqu'elle n'existait pas. Dans une demi-somnolence mon esprit m'avait emporté dans ce bâtiment inconnu. C'était comme un rêve, mais un rêve partagé avec mon état conscient. Comme je voulais à toute fin savoir ce que cachaient ou ne cachaient pas ces portes, je retournais dans mon rêve, ou plutôt dans cet état moyen entre le rêve et l'éveil. Je retournais dans mon rêve tout en étant conscient de rêver.

     

    En me dirigeant vers la porte de gauche, j'oubliais la plaque et jetais un coup d'oeil à l'intérieur.
    Je restais figé devant ce qui m'apparaissait invraisemblable. Je me demandais si je ne rêvais pas dans mon rêve. Dans la vaste pièce, il y avait des hommes. Cent. Peut-être deux cents. Ils étaient tous vêtus en costume/cravate et avaient entre 30 et 40 ans. Ils étaient debout, silencieux, immobiles mais pas figés. Des mouvements imperceptibles montraient qu'ils vivaient. Parfois même l'un d'eux faisait un clin d'oeil à son plus proche voisin qui lui faisait face, ou un sourire, un léger sourire de connivence. Ce qui frappait, c'était leur immobilité. Ils n'étaient pas rangés en lignes, ou par groupes, mais étaient posés là, comme les pièces d'un immense échiquier avant qu'elles prennent leur place officielle. Ils étaient dans tous les sens, tournés vers tous les points cardinaux. Le plus étrange était le silence. Ce silence.

     

    groupe d'hommes

     

    Je sentais que je n'étais pas à ma place, que je ne faisais pas partie de leur monde. Je regardais la plaque : elle portait l'inscription "Hu"

    Qui avait-il dans l'autre pièce ? J'allais voir.
    Devant la porte ouverte, je vis une centaine de jeunes femmes, debout. Peut-être deux cents. Elles avaient à peu près la même taille, les cheveux foncés, coiffés mi-longs. Elles portaient toutes une robe au décor léger, coloré, presque printanier, qui tranchait avec l'apparence sérieuse, irréelle de leur présence. Comme les hommes, elles étaient disposées au hasard, mais proches les unes des autres. Leur vie se manifestait par de petits mouvements, imperceptibles. Je restais là, planté dans l'ouverture de la porte. Certaines étaient tournées vers moi, me regardaient. Il me semblait bien qu'elles me regardaient, mais rien dans leur attitude ne pouvait me l'assurer.

     

     

    groupe de femmes

     

     

    Qu'étais-je venu faire dans ce bâtiment ?
    Que faisaient là ces hommes et ces femmes ?
    Brusquement je repartis vers la pièce des hommes.
    Ils étaient en mouvement. Ils se dirigeaient lentement vers une porte ouverte dans la pièce. Cette porte, à droite, menait à une autre pièce qui se trouvait entre la pièce des hommes et la pièce des femmes. Leur allure était naturelle, sans automatisme. Ils ne se touchaient pas et le groupe s'écoulait fluidement dans la pièce contiguë. Rien sur leur visage ne trahissait un sentiment quelconque
    De plus en plus éberlué, je me précipitais vers la porte des femmes.
    Le même mouvement s'opérait chez les femmes. Elles se dirigeaient vers une porte ouverte sur la pièce contiguë, là où les hommes entraient par l'autre côté. D'où j'étais, je ne voyais rien dans cette troisième pièce. Lentement, le flot des femmes était aspiré vers cette ouverture.
    Je ne cherchais pas à comprendre, à donner un sens à cette situation.


    Allongé sur le divan, je me regardais vivre dans ce monde qui n'était pas le mien.


    Je restai là un moment, abasourdi. Toutes les femmes avaient disparu. Et toujours le silence, un silence étouffant. Me reprenant, je me dirigeais vers la pièce des hommes.
    Il n'y avait plus d'hommes et la porte de la pièce contiguë était fermée.
    Mais par terre ...
    Par terre ...
    Par terre il y avait des bébés. Des bébés tous nus. Cent, peut être deux cents bébés.
    Des bébés garçons, couchés sur le dos. Ils bougeaient les bras et les jambes. Aucun ne pleurait. Aucun n'émettait le moindre son. Chez ceux qui étaient les plus proches, je voyais les yeux bouger. Ils se ressemblaient tous, comme se ressemblent les bébés, avec quelques minimes différences.
    Je me précipitais vers la pièce des femmes mais je savais ce que j'allais trouver : des bébés. Des bébés filles. Cent, peut être deux cents. Comme les garçons, ils remuaient doucement, sans un cri sans un gémissement.
    Dans la pièce des garçons où j'étais reparti, il y avait maintenant des enfants. Ils avaient atteint l'âge de 7 ou 8 ans, en quelques minutes. Ils étaient debout, vêtus d'un short et d'un maillot, immobiles comme l'étaient, avant, leurs aînés. Et toujours cet air inexpressif, cette position statique.
    Dans la pièce des filles tous les bébés étaient devenus des petites filles, aussi rapidement que les garçons. Elles étaient vêtues de robes simples, aux couleurs gaies et, immobiles, attendaient je ne sais quoi.
    Et je poursuivais mes allers et retours, chez les garçons, chez les filles, chez les garçons, chez les filles . . .
    À chaque passage devant ces deux pièces leur vie s'écoulait à une allure folle. Les secondes passaient pour des mois, les minutes pour des années.
    À l'âge adulte, les hommes toujours groupés, les cheveux courts, habillés d'un costume/cravate se dirigeaient par la porte vers la pièce contiguë. Les jeunes femmes, aux cheveux longs, vêtues de robes aux décors légers, se dirigeaient aussi vers la pièce contiguë.
    Mais que suis-je venu faire dans ce bâtiment?   Où suis-je ?
    Je regarde autour de moi et je vois, face à une monumentale porte d'entrée, un homme assis derrière un bureau. Je ne me souvenais pas l'avoir vu en entrant. Je me dirigeais vers lui. Il était vêtu d'un costume/cravate, avait les cheveux courts et me regardait m'approcher.

    - "S'il vous plait, Monsieur, pouvez me dire où je suis ?"

    Il me regarde comme un herpétologue regarde une grenouille. Je lui répète ma question.

    - "S'il vous plait, Monsieur, pouvez me dire où je suis ?"

    Réprimant une grimace, le gardien prend le combiné du téléphone, compose un numéro et prononce :

    - "Huit, Huuitt, Huittt, Huiuit, Hhhuuiitt, Huhuitt, Huitthuitt, Huitthuittthuiuit."

    Puis il repose le combiné et me dit :

    - "Huhuit, Hhuuittui, Hhuttitt."


    À ce moment je me réveille pour de bon. Je me lève et commence à écrire cette histoire.

    Dehors, un oiseau chantait

    oiseau

     

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    LE

    B I G O P H O N E

    ou
    lettre à ma tante

    Page 1

     
     

    Chère tante

    bigoohone

    je failli vous bigophoner car, le pensâtes-vous,
    chère tante, j'acquis récemment ce merveilleux appareil
    qui peut, m'assura le vendeur de "La Belle Jardinière", me permettre de parler à un quidam qui n'est pas là, qui se trouve au bout du monde, à 100 km, pour le moins qu'il possédât lui aussi le fabuleux appareil.

    N'est-ce pas fou ?

    Je m'inquiétais néanmoins des conséquences possibles sur mon organisme.

    Aussi me contenterai-je de vous écrire puisque mon écriture a l'heurt de vous plaire.

    Comme vous l'apprîtes certainement, chère tante, quand j'étais petit j'étais très laid.

    bébé

    Évidemment mes camarades de classe se moquaient toujours de moi,
    ce à quoi je répliquais invariablement que
    "la beauté n'est qu'un concept subjectif éphémère".

    Je ne leur disais pas que ma beauté était intérieure parce qu'ils m'auraient ouvert le ventre pour vérifier.

    Vous vous doutâtes, naturellement, chère tante que j'enviais mes copains qui eux étaient très beaux.

    Albert laid

    Notamment Albert que je haïssais.
    Le père d'Albert était forgeron et il conçut son fils un soir d'orage, au fond de la forge.
    Comme il disait souvent :
    "L'enclume forge l'homme"

    Quel con !

    Page 2

     
     

    Mon père était un inventeur génial
    Comme vous le sûtes sans doute, il dut sa réputation au fait qu'il inventa . . .

    viseur pantouflard

    "Le viseur pantouflard"
    qui équipait les poilus de 14.
    Si j'avais de la place, d'ailleurs, je vous narrerais une anecdote cosasse. Ce sera pour une autre fois

     

     

    le bonusophone

    Ma mère, elle, jouait du "BONUSOPHONE", ainsi que vous l'apprîtes lors de notre dernière rencontre.
    Vous remarquerez sur cette photo prise devant l'étable où elle séjournait le plus souvent, qu'il lui manque le pouce de la main droite.

    Mon papa le lui a "emprunté" pour inventer l'auto-stop. Cette invention ne plut pas au public.
    À ma mère non plus.
    En fait, elle jouait de son "BONUSOPHONE"pour oublier ses déboires conjugaux.

     

    la grosse bertha

    Car mon père, comme vous le vîtes sur cette photo, chère tante, avait une liaison avec la grosse Berthe.

    On ne peut nier les charmes de cette personne, quoiqu'à mon goût, je trouve que sa tenue jure grossièrement avec celle raffinée de mon papa.

    Page 3

     
     

    rue tranquille

    Nous habitions une rue tranquille. Notre maison que vous visitâtes lorsque vous vîntes nous rendre visite, est la première à droite. On ne la voit pas sur la photo car le photographe fut renverséé par un véhicule quadrupède au moment de la prise de vue.
    Bien que tranquille, notre rue était parfois animée par une espèce de truc aveugle qui, en toute innocence traversait les maisons sans prévenir.
    C'était un jeune truc encore malhabile à qui nous pardonnions volontiers quelques écarts bien de son âge.

     

    la perche vendomoise

    De toute façon, ce qui m'intéressait c'était la musique. Je faisais partie du groupe bigophonique "la perche vendômoise" que vous connûtes pour avoir été la marraine de la grosse caisse que l'on voit au premier plan
    Quant à moi, je suis derrière la bannière fièrement brandie par Gaston, le mirliton.

     

    voisin Rpbert

    Notre voisin Robert m'accompagnait parfois à la chorale. Vous vous en étonnâtes, je me rappelle, cette activité n'étant pas compatible, dîtes-vous avec sa position d'enfant de choeur. Monsieur le curé, toutefois, lui pardonnait ses petits écarts, eu égard aux services qu'il rendait en brodant de mignons petits napperons pour l'autel.

     

    fils du voisin

    Son fils, du reste, n'était pas en reste.
    Il s'appelait Simone et vous le portâtes, chère tante, sur les fonds baptismaux un soir de novembre alors que le vent hurlait et que la pluie cinglait sur son frêle visage défiguré par une lèpre maligne qu'il avait contractée au voisinage de son père.

    Page 4

     
     

    Mon père, ce jourlà, entrait sa consommation hebdomadaire de vinasse. De ce vin que vous bûtes en quantité lors de votre dernier passage. Vous reconnaîtrez mon père au fait qu'il porte toujours une casquette.
    Mon père, ampélographe distingué, a fait la fortune du Bordelais. Sa préférence va au vin qui ne descend ô jamais en dessous de 15 caudalies, au goût empyreumatique et qu'il sirote en compagnie de flaconneurs avisés dont vous fûtes, ma chère tante.

    homme et le tonneau

     

    Quand arriva Maître Delacourt, de la Caisse des Primes mensuelles, qui venait encaisser la prime mensuelle destinée à alimenter les caisses de la Caisse des Primes Mensuelles

    huissier

    et avec qui vous travaillâtes, chère tante, si ma mémoire ne me fait pas défaut.

    Il était accompagné de son greffier préféré, qui s'appelle Robert mais que tout le monde appelle Georges.

    le greffier

    Malgré son air bougon, Robert/Georges avait un coeur d'or et un courage hors du commun.

    Pensez, chère tante, que malgré l'amputation des deux bras, il tapait tous les rapports sur la machine à écrire que vous lui offrîtes lors de sa sortie de l'hopital.

    Maître Delacourt Dufont Dujardin venait encaisser le loyer

    Page 5

     
     

    la débandade

    Aussitôt ce fut la débandade dans notre maisonette ainsi que vous l'imaginâtes, chère tante

    L'oncle Victor qui prenait son bain annuel dans la bassine galvanisée, en renversa le contenu bouillant sur ses parties sensibles, tandis que tante Adélaîde se précipitait pour lui apporter un bloc de glace à la vanille et que la cousine Pervenche(qu'on surnommait ainsi en raison de son chapeau) cherchait vainement un endroit pour se cacher.

     

    mendiants

    Cette scène bouleversante nous plonge au plus profond du drame et je comprends, chère tante, que vous ne pûtes soutenir cette vision d'un autre âge.

    Tata et Tonton, déguisés en mendiants, prirent la poudre d'escampette et volèrent, plus qu'ils ne coururent, se réfugier . . .

    Page 6

     
     

    tante Brunhild

    . . . chez notre tante BRUNHILD qui poursuivait son traitement depuis la naissance.
    Certains disent que ses "particularités" viendraient du fait que sa mère

    accoucha pendant le carnaval.

    Quoi qu'il en soit, elle s'en accomode très bien, et sa fille aussi.

     

    le mari

    Son troisième mari la trouve un peu conventionnelle, mais ils s'entendent bien, et c'est le principal.

     

    bébé

    Pourtant rien n'indiquait à sa naissance, malgré quelques légères inperfections, qu'une fleur géante bourgeonnerait dans sa zone occipitale. Passe encore la couleur verte, mais cette fleur . . .

    Vous tentâtes bien, chère tante, de l'arroser, puis de la couper, mais rien n'y fit et vous dûtes, en désespoir de cause, plonger carrément tante BRUNHILD dans le vase.

    Page 7

     
     

    home

    Enfin, après toutes ces péripéties, nous pûmes réintégrer notre home, notre nid douillet que Maître Delacourt Dufond Dujardin avait dépouillé de ses meubles mais pas de son âme.

    Vous en pleurâtes de joie, chère tante.

    Vous en souvîntes-vous ?

     

    Malgré tout nous décidâmes de déménager et nous trouvâmes exactement ce qu'il nous fallait.
    Pour vous faire une idée

    carte

    Vous souvîntes-vous, cher tante, que vous vous perdîtes car vous prîtes par la gauche, rue Charles Martel XII alors qu'il eut fallu que vous prissiez par la droite, l'avenue Napoléon VII.





    Ce que nous rîmes de votre bévue.

     

    L'inconvénient c'est qu'il se trouvait

    escalier

    au dernier étage.

    Page 8

     
     

    Puis ce fût le train-train quotidien

    Mon père et ma mère reprirent leurs habitudes et vous souffrîtes beaucoup, chère tante, de voir votre soeur si mal habillée pour recevoir son mari qui rentrait d'une dure journée de labeur.

    le couple

    Et je ne dirai rien de sa coiffure.

     

    Malgré tout l'amour que je portais à mes parents, j'avais de plus en plus de mal à les supporter.

    homme sort

    Nous convînmes, chère tante, que je passerai les vacances chez vous. Mais en attendant . . .

     

    . . . je passais la plupart de mon temps chez mes voisins, deux frères, adorables et charmants.
    Ils sont jumeaux, mais la ressemblance n'est pas frappante.
    Ça arrive.

    jumeaux

    Ils travaillaient au bureau d'aide sociale de la mairie.

    Les employés les charriaient pour leur coupe de cheveux, mais on connaît la méchanceté et la jalousie des fonctionnaires.

    Page 9

     
     

    Ils avaient un frère qui ne tournait pas rond. Ce n'est pas qu'il était malade, mais il avait un je ne sais quoi qui indisposait. Vous même, ma chère tante, lorsque vous le prîtes dans vos bras charnus, il vous parut bien fragile.

    petit frère

    et malgré tous vos efforts, vous ne parvîntes jamais à lui faire porter un béret

    Tout petit bébé, pourtant, il ne présentait pas cet anomalie du chef.

    bébé 8 yeux

    Mais il était très turbulent et il fallait tout le temps l'avoir à l'oeil.
    Heureusement, en grandissant il n'eut pas à porter de lunettes.

    le grand frère

    Les jumeaux avaient un demi-frère ainé qui était un peu sourd. Mais toute cette grande famille vivait en belle harmonie, ce qui vous fit dire,chère tante, que l'important était que tout le monde s'entende.

    J'ai le souvenir qu'un jour, vous jouâtes avec lui à :
    "à dada sur le cheval de son papa"
    et qu'il vous péta les deux rotules.
    La chirurgie d'alors n'avait pas les performances d'aujourd'hui et vous restâtes boitillonnante, ce qui ajouta à votre distinction.

    Page 10

    Il n'avait pas toujours été sourd. Cet accident survint bizarrement après son traitement d'un kyste au genou, le même que celui que vous eûtes, chère tante, et dont vous souffrîtes horriblement.

    vétérinaire

    Il fut soigné par un praticien dont la compétence n'était plus à démontrer. Il sortait (par la porte du jardin) de la très haute et réputée Université Vétérinaire de PAMPELUNE.

    C'est dire, chère tante, si vous le crûtes capable de le soigner.

    radiographie

    Cette radiographie qu'il prit de votre genou et que je prends la liberté d'exposer, chère tante, trône d'ailleurs en bonne place dans mon salon et provoque toujours l'extase, l'admiration et l'envie des visiteurs.

    Vous vous exclamâtes vous même, chère tante, en la découvrant.

    le cousin

    Et ce n'est pas sans émotion, chère tante, que vous me parlâtes
    de votre cousin germain qui, passant par les mains du maître,
    fut totalement guéri de ses verrues plantaires.

    Page 11

     
     

    Pour en revenir à mes voisins :

    Alphonse

    Quand nous étions réunis chez eux, notre distraction principale était de jouer avec Alphonse.
    Leur chose de compagnie.

    Une bonne pâte.

     

    étoiles

    N'ayant pas d'oreille et parlant du nez, Alphonse avait beaucoup de mal à comprendre nos questions et encore plus à y répondre.
    Malgré cela, chère tante, grâce à vos dispositions au polyglottisme, vous vous réjouîtes à le questionner.

    Ce qui fit beaucoup rire la chose qui à défaut d'oreille, n'était pas dépouvue d'humour.

     

    Sa planète était peuplée de "macronieux", une espèce hautement toxique.

    planète

    j'ai souvenance que vous lui offrîtes, chère tante, pour le taquiner, une paire de pantoufles.

    Il en pouffa à pleines joues.

    Page 12

     
     

    mammouth laineux

    Sa principale distraction était de jouer avec un mammouth laineux que vous lui achetâtes d'occasion, pour son anniversaire.

     

    Mais je suis là que je cause, que je cause et je vous ennuie surement avec toutes mes histoires.

    groupe bigophonique

    Aussi je termine cette lettre, chère tante, et avec mes amis du groupe bigophonique que vous ouîtes récemment, nous vous disons :

     

    Ou, comme dirait Albert (que je hais) :

    albert s'en va

     

    fin

     

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  •  

                                                              

     15 heures !

    J’ai juste le temps de me préparer pour rejoindre Martine.

    Déjà, en fermant la porte de mon appartement, je suis près d’elle. Je la sens, je la respire, je m’en inspire. Tout à mes sensations, je ne prends pas garde que je passe devant la loge de Mme Michu. Faut-il vraiment que j’en pince pour elle (Martine, pas Mme Michu). En fait, une odeur bizarre me tire de mon rêve éveillé. Nous avons tellement l’habitude des odeurs que nous n’y prêtons plus attention. Elles font partie de notre quotidien. Nous les traversons sans les sentir sans même chercher à les sentir. D’ailleurs, souvent, à l’air, se mêlent tant d’odeurs que nous ne pouvons plus des dissocier et que nous respirons une purée chiatique.

    Mais que soudain une odeur nouvelle vienne nous chatouiller les narines et voilà que le cerveau se met en alerte.

    C’est justement ce qui m’arrive quand je passe devant la loge de Mme Michu. Une odeur étrange, irréelle s’en dégage (de la loge, pas de Mme Michu), et tellement hors norme que je m’arrête, expulsé de mon rêve de Martine. Je réalise où je suis. En temps ordinaire je passe rapidement. La bonne Madame Michu ayant pour habitude et même pour manière de vie de bloquer les locataires dans le couloir pour leur faire part de toutes les informations qu’elle a pu recueillir depuis sa prime enfance et même avant.

    Mais là, aujourd’hui, c’est différent, et même inquiétant. Cette odeur m’entête. Et puis il peut y avoir un problème dans la loge. Alphonse, le mari de la dame n’est plus en très bonne santé, et,  je ne sais pas pourquoi, mais je pousse la porte de la loge, ce qui déclenche le tintinnabulement du carillon tibétain qui, placé au dessus de l’huis, signale mon intrusion.

    L’odeur que j’avais perçue dans le couloir m’entre en cataractes dans les narines et un spectacle étonnant s’offre à mes yeux.

    Madame et monsieur Michu sont penchés sur la table, silencieux. Sur cette table, recouverte d’une toile cirée est posée une chose, une drôle de chose.

    Cela ressemble au produit d’un vieux moulin à café et d’un phonographe. Une boite un peu biscornue, avec une manivelle sur le dessus et un énorme pavillon sur le côté. Plusieurs voyants sont allumés. Madame Michu actionne doucement la manivelle alors qu’Alphonse est penché au dessus du pavillon. Je ne sais pas si l’odeur sort de cette orifice tant elle emplit la pièce toute entière.

    Ils ne m’ont pas entendu entrer mais soudain Mme Michu se retourne, avertie par son douzième sens. En la voyant je suis surpris par son air hagard. Elle me voit sans me voir, comme si elle doutait de ma présence. Alphonse réagit aussi et parait gêné, se plaçant entre la machine et moi.

    - « Bonjour Madame Michu, bonjour Alphonse. Excusez moi de vous déranger, mais il y a une drôle d’odeur dans le couloir » dis-je pour ne pas les froisser.

    Alphonse paraît quand même froissé, alors que Madame Michu s’avance vers moi.

    - « Ah ! Monsieur Dubois (je m’appelle Lechêne, mais les références de Mme Michu en botanique sont quasi inexistantes) vous tombez bien.

    Effectivement, l’odeur commençant à ‘indisposer, je m’effondre sur une chaise.

    - « Vous qui êtes bricoleur, vous allez pouvoir nous aider » me dit-elle

    - « Ne dérange pas Monsieur Lechêne, Alphonsine. Faites pas attention Dimitri (c’est moi) nous allons nous débrouiller »

    - «Venez voir » insiste Mme Michu

      Brusquement je repense à Martine. Je vais encore être en retard.

    - « C’est que …

    - « Venez » répète Mme Michu

    Pour ne pas perdre d’avantage de temps, je me lève et je m’approche de la table. je vois bien la machine. Les voyants sont maintenant éteints et l’odeur plus légère. Alphonse a dû l’éteindre.                               

     

    l'odorateur

    - « Qu’est ce que c’est ? » je demande

    - « C’est pour les odeurs » me dit Mme Michu

    - …

    - « C’est pour faire des odeurs » complète Alphonse.

    - …

    Madame Michu se lance dans les explications : « Vous savez bien, Mr Dubois (Ah ! Bon !) qu’on est envahit par les mauvaise odeurs, la pollution et tout ça. On sent plus rien de propre, c’est que du désagréable. Alors, avec Alphonse on est allé à la foire de Bousengleux, vous savez, après Laconfière, c’est pas tout près, mais on avait vu une pub à la télé où ils montraient cet appareil. (Elle désigne la chose sur la table) Ils appellent ça un adorateur.

    - « un Odorateur » rectifie Alphonse

     

     odorateur                            

    - « Oui, enfin, un odorateur. L’odorateur, vous allez l’adorer qu’ils disaient dans la publicité. Finies les mauvaises odeurs (Ah ! Bon !). Vous choisissez vous-mêmes l’odeur que vous voulez, n’importe laquelle et vous respirez ce que vous aimez. Alors on l’a acheté. Parce que Alphonse lui, il ne sent pas bien les odeurs. Hein  Alphonse » finit-elle en passant le relai.

    Alphonse se sent obligé de poursuivre, et de plus il ne veut pas laisser la vedette à son épouse qui aurait tendance à vouloir le dominer. Mais on ne domine pas Alphonse. Sous son air bonasse, voir endormi, se cache une volonté farouchement calme.

     

    - « C’est normal que tu sentes mieux que moi, c’est tes hormones. »

    - « Mes hormones ? Qu’est ce que t’inventes encore ? »

    - « Ben oui, les femmes ont des hormones, c’est pour ça qu’elles sentent mieux que les hommes. » (Article 1 – Alphonse a toujours le dernier mot) Et puis tu sais bien, avec mes muqueuses…  En fait, poursuit-il, ce qui nous plaisait surtout c’était de pouvoir choisir les odeurs. Et même d’en inventer.

    - « Comment ça en inventer ? » dis-je, intéressé.

    - « Oui. Si vous sentez une odeur qui vous plait, vous pouvez la fabriquer.

    - « Fabriquer une odeur ? »

    - « Oui, reprend Mme Michu, c’est simple »

    Je m’assied.

    Elle poursuit

    - « Le vendeur nous l’a bien expliqué, en fait, ça décompose les pellicules… 

    - « Les molécules » corrige Alphonse.

    - « C’est ce que je dis » répond Alphonsine (article 2 : Mme Michu piétine l’article 1)

    - « Mais non, t’as rien compris » réplique Alphonse qui s’approche de moi. (Je le croyais endormi, mais comme les chats, Alphonse ne dort que d’un œil et d’une oreille) « C’est marqué sur la notice »

    Il lit :

    - « Les odeurs naturelles sont composées de molécules. Votre odorateur décompose l’odeur en molécules primaires et les enregistre dans sa mémoire. Ensuite il peut, à votre demande, les recomposer et les diffuser. Vous pouvez aussi mélanger des molécules en mémoire et créer vos propres odeurs.  Ainsi vous avez à votre disposition toutes les odeurs que vous aimez et vous pouvez les respirer librement.

    Par exemple vous pouvez prendre un bain en respirant l’odeur de l’herbe mouillée, ou des algues brunes qui sèchent sur le sable, vous allonger dans votre fauteuil en respirant l’odeur du foin fraîchement coupé, rêver en respirant l’odeur de l’être aimé."

    - « Vous pouvez créer l’odeur d’une personne ? »

    - « C’est ce qu’il disent, mais on y est pas encore arrivé, Alphonsine et moi. Tout ce qu’on a pu faire c’est celle des frites à la végétaline mais comme on en fait tous les deux jours, ça sert pas à grand-chose.

    L’objet m’intéresse de plus en plus, mais je doute que Martine trouve suffisant ce prétexte à mon retard. Je m’empresse de finir :

    - « Comment vous faites pour enregistrer une odeur humaine ? »

    Alphonse mouille son index et feuillette le manuel.

    - « Ah voilà ! Pour les odeurs cor.. corporelles – il me regarde pour s’assurer qu’il lit le bon chapitre. Je lui fait un signe de la tête et il continue- Pour les odeurs cor .. , l’idéal est de récupérer un peu de la sueur de la personne, avec un morceau de papier absorbant. Mais vous pouvez aussi prendre un cheveu, un poil, un morceau d’ongle ou à défaut un vêtement lui appartenant. Plus le vêtement sera en contact avec la peau, mieux cela sera »

    - « Vous m’avez dit qu’on peut aussi inventer des odeurs. »

    - « C’est ça q’on vient de faire  - dit Alphonsine - mais je crois qu’on s’est trompé »

    - « Qu’est ce que vous vouliez comme odeur ? »

    Mme Michu regarde son mari, qui regarde par terre.

    Silence

    - "En fait, c’est rapport aux muqueuses d’Alphonse…"

    Comme je sens que l’explication est difficile, je ne bouge pas mais je la regarde dans les yeux. Elle sent mon invitation à continuer.

    - « Hein Alphonse ! - dit-elle pour se donner du courage. – Ne le répétez pas Monsieur Dubois, mais Alphonse a les muqueuse encombrées depuis qu’il est tout petit et ça le gêne… quand.. enfin… il me dit toujours : « Phonsine, je ne te sens pas » Vous comprenez, Monsieur Dubois. »

    - Je crois comprendre en effet, mais j’ai du mal à imaginer Alphonse et Mme Michu …

    - « Enfin bref, continue t-elle, on s’est dit comme ça avec mon Alphonse que si on mélangeait toutes les pellicules …"

    - «  Les molécules » reprend encore Alphonse

    - «  Oui, bon, si on mélangeait tout ce qu’il y a dans la machine, peut-être que  ça dégagerait les muqueuses d’Alphonse. Mais en fait, ça n’a rien fait »

     Ca n’a rien fait… ça n’a rien fait … Je comprends maintenant l’origine de ces effluves qui ont envahit l’escalier et je reste pantois devant l’obstruction éléphantesque des muqueuses d’Alphonse.

    Je repense à Martine.

    -« Ecoutez Alphonse, je repasserai ce soir pour vous aider si vous êtes toujours en panne »

    Alphonse opine sans dire un mot, mais je le connais et il lui sait que je connais. Martine.

    En me pressant vers le lieu de rendez-vous, « Bon sang, presque une demi-heure de retard » je pense à ce que je pourrai ramener d’elle :

    - «  un cheveu, un poil, son foulard …." 

     

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    Le jour où je vins à la vie, je fus d'abord ébloui par la lumière pourtant ce n'était pas le plein soleil, c'était même (je le sus plus tard) une pénombre. Mais après tous ces mois passés dans le ventre de ma mère, la transition fût brutale. Je sentais déjà, confusément,  que le meilleur de ma vie était passé, que la douceur la chaleur, le confort que me donnait ma mère faisaient partie d'un passé révolu et que maintenant j'allais devoir assumer ma vie. Ce qui me rassurait, malgré tout, était de voir tous ces parents et amis autour de moi.

    Encore aujourd'hui, alors que je suis vieux, je m'étonne d'avoir eu toutes ces pensées, si jeune,  à peine né. J'appris plus tard que cette disposition était courante dans ma famille.

    Parmi toute la foule qui m'entourait, j'en reconnaissais certains et d'autres m'étaient totalement inconnus. Ceux-là semblaient complètement indifférents à ma présence nouvelle alors que je pensais avoir réussi  un exploit, le fait de naître. Car en ces temps  les conditions de vie étaient difficiles et nombreux étaient ceux qui n'arrivaient pas à terme, bien qu'aujourd'hui, encore, bien des naissances avortent faute de nourriture suffisante. Ma mère, je l'ai appris, a perdu plus d'enfants qu'elle n'a su en faire vivre. Mais c'est la vie. Les uns réussissent, les autres pas. Moi, j'avais réussi, mais je n'en n'éprouvais pas d'orgueil. Confusément je sentais que le plus difficile restait à faire : grandir, s'élever, combattre les adversaires, car la vie, la survie est un combat permanent.

    Alors que je me demandais quand j'allais manger, (à mon âge c'est à peu près tout ce qui importe), je ressentis quelque chose. Je dis "quelque chose" parce que je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait être. Il ne faut pas oublier que je venais de naître, et malgré le souvenir précis qu'il m'en reste j'avais beaucoup à apprendre. Ce "quelque chose" s'infiltrait en moi, m'envahissait, s'intégrait à mes cellules. Ce n'était pas désagréable, mais surprenant. Et sans que je n'entendisse rien, je compris qu'on s'adressait à moi. Tous ceux qui m'entouraient, me 'parlaient' tous ensemble. C'était une cacophonie indescriptible. D'autres me touchaient, je les sentais se poser sur moi. Par la suite, je réussis à maîtriser tous ces signaux, à leur attribuer un sens. Comment y suis-je parvenu ? Encore  aujourd'hui c'est un mystère. Certains signaux étaient agréables, très doux, d'autres l'étaient moins et il y en avait de carrément hostiles, comme si mon arrivée les dérangeait. Moi qui était si petit, si faible comment pouvais-je les déranger. Je sentais même des menaces. J'étais pour eux un être indésirable.  Loin de me contrarier, cela ne fit que renforcer ma volonté de vivre et de m'imposer. Heureusement la plupart étaient totalement indifférents.

    Bientôt je ressentis le besoin de bouger. Non pas de me déplacer, j'étais tout petit et je ne savais pas comment m'y prendre, mais de bouger, sur place, pour explorer mon environnement proche, comme si une chose m'attirait à droite, puis à gauche et que curieux de tout je voulais savoir ce qui se passait. Je me rendis compte aussi qu'autour de moi d'autres nouveaux nés avaient fait la même chose. Je ne les avais même pas encore remarqués avant cela, tous petits qu'ils étaient, comme moi. J'essayais de me pencher vers eux, de les toucher et eux faisaient de même. C'était très agréable. Il y avait une bonne entente entre nous. Bien sur les nouveaux nés n'étaient pas toujours regroupés, comme ici, autour de moi. Beaucoup naissaient isolés, entourés seulement d'adultes, qui n'étaient même pas de leur famille. D'autres encore se trouvaient dans des conditions si difficiles qu'ils n'avaient aucune chance de vivre. Moi, j'avais bénéficié de circonstances particulièrement favorables qui m'avaient fait naître dans un milieu favorable, avec d'autres bébés qui me ressemblaient trait pour trait, comme sortis d'un même moule. Néanmoins certains étaient plus grands, plus forts, remuaient davantage. 

    La faim était toujours présente  et je me demandais quand on allait me nourrir.

    Vous allez penser que c'était là beaucoup d'impressions pour un nouveau-né. C'est vrai. Mais tout était tellement nouveau, et je n'avais pas encore appris à maîtriser toutes ces sensations. Je me souviens que près de moi, il y avait quelques uns de mes frères, petits comme moi, et plus loin, d'autres, plus grands. Un qui m'impressionnait particulièrement, sans être de ma famille, était très vieux, courbé, avec la peau ridée.

    Deux jours plus tard je sentis autour de moi une présence nouvelle, totalement différente, comme celle d'un extra-terrestre, d'une composition hors de ma compréhension. Moi si fragile encore, je sentais une menace, mais pas spécialement dirigée contre moi, une menace potentielle. Je sentais ces présences (il y en avait à plusieurs endroits) évoluer autour de moi. Puis ce fut d'horribles cris de douleur, des messages des membres de ma famille et des amis qu'on torturait. Ça ne se passait pas près de moi, mais plus loin, là où je ne pouvais pas voir, étant trop petit. Et je ne pouvais rien faire. Tout près de moi, mes parents et amis ressentaient la même chose et je recevais aussi leurs messages d'horreur. Nous nous rapprochions les uns des autres  autant que nous le pouvions, nous nous touchions pour nous réconforter en attendant notre tour de subir la torture.

     

    Robert se tourne vers son épouse et dit : "je vais au jardin. Avec cette chaleur il faut arroser"

    - "Je viens avec toi" répondit l'épouse

    Ils descendirent quelques marches à l'arrière de la maison, franchirent une petite barrière et empruntèrent l'allée principale du jardin.

    - "Tu as vu, Simone, la taille du tournesol, il est gigantesque."

    En effet, au milieu du potager, apportée par le vent ou un oiseau, une graine avait germé et un tournesol s'était développé, présentant son énorme face auréolée de jaune, couverte de graines. La tige, épaisse était penchée et à son pied poussaient des herbes folles, plantes naturelles qui profitaient de l'ombre du tournesol et des arrosages réguliers de Robert.

    - "Tu n'arraches pas toutes ces herbes au pied du tournesol ?" dit Simone.

    - "Non, non. Ça ne gène pas et puis ça sert de paillage au tournesol."

     

    Je sentais la chose s'approcher de moi, mais je n'eus pas peur. Elle dégageait maintenant une impression étrange et douce. Je sentis même son contact sur mes feuilles. Une caresse.

    Et la pluie tomba. Fraîche, revigorante. Je m'en emplis avec délice, je m'en gorgeais, j'en tirai toute la force possible. Elle s'insinua en moi, dans toutes mes cellules. Puis pénétrant dans la terre mère, elle s'insinua entre mes racines et radicelles qui l'absorbèrent avec avidité.

     

    "Ah!  Que c'est bon !"

     

    Robert et Simone retournèrent vers la maison.

    - "Tu n'as pas oublié d'arroser le tournesol ?" demanda Simone

    - " Non, non, dit Robert" et tout bas : "et il n'est pas le seul à en avoir profité."

     

     la naissance

     

     

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    -"Bonjour Monsieur"

    Le gamin est entré dans la boutique du marchand de bonbons.

    Il est vêtu d'un short, un pull à carreau et des grosses chaussures.

    Sur la tête, un béret.

    -"Oh! J'te connais toi ! dit le marchand. T'est l'fils d'Albert. Ya bien longtemps qu'on tas pas vu dans l'village. C'est    comment déjà ton nom ?"

    -"Romain, Monsieur"

    Il a une douzaine d'années et sa tête passe juste à la hauteur  du comptoir

    -"Ah! Oui, Romain. Il jette un regard à sa femme, petite, grise, qui compte les boites  sur les étagères. On      s'demande où il a été chercher c'nom là, le Albert. Qu'est ce tu veux ?"

    - "Combien valent les nougats à la pièce ? Monsieur"

    Le boutiquier a un regard trouble. Il regarde sa femme qui compte les boites de conserve. Puis il regarde le gamin.

    -"Qu'est ce tu dis ?" Puis un éclair rapide passe dans ses yeux perdus dans la broussaille de ses sourcils. Ah! Oui         C'est toi qui es parti à l'école de la ville l'année dernière. En pension d'air.

    - " Comme pensionnaire, Monsieur"

    - "Oui, Bon ! Et c'est là-bas qu'on t'apprend à parler comme ça ? C'est quoi qu' tu veux ?" 

    - "Heu ! C'est combien les nougats,  là  ?"

    Il désigne des sortes de bonbons enveloppés de papiers multicolores dans un grand bocal en verre.

    -  "Ah! Ça ! C'est un sou pour un "

    - "J'en voudrais deux Monsieur"

    L'homme ouvre le bocal, prend deux nougats et sans les tendre au gamin dit : " ça fait trois sous."

    Le petit garçon hésite un instant puis dit : "Vous m'avez dit que ça coûtait un sou pour un."

    - " Oui ! C'est un sou pour un et pour deux c'est trois sous."

    Le garçon semble ennuyé mais répond : " Normalement, quand cela coûte un sou la pièce, deux pièces valent deux sous. Même parfois, lorsqu'on achète en  quantité, il y a une réduction. Et deux nougats peuvent être  vendus un sou cinquante."

    - "Un sou cinquante !" Il se tourne vers sa femme qui a entrepris le comptage des œufs. "Non mais tu entends çà Aglaé. Le p'tit galopiaud qui veut m'apprendre mon métier. J'ai pas été à l'école à la ville mais je sais qu'un nougat c'est un sou et deux nougats c'est trois sous."

    Il tremble un peu et son regard devient fixe.

    - " Alors ! Tu les prends ou tu les prends pas ?"

    -  " Je  vais n'en prendre qu'un, Monsieur" dit le gamin tout bas.

    - "Alors c'est un sou."

    Le petit pose un sou sur le comptoir, prend le nougat, dit merci et se dirige vers la porte. Là il s'arrête, fait demi-tour et revient près du comptoir.

    - "Je vais reprendre un nougat"

    - "C'est un sou"

    L'enfant pose un sou sur le comptoir, prend le nougat, dit merci et sort du magasin.

     Le boutiquier est resté immobile derrière son comptoir. Il ne sait pas quoi mais il ressent une impression désagréable. Quelque chose d'indéfinissable qui lui échappe. Il se tourne vers sa femme puis pose son regard sur la porte par où est sorti le garçon.

    - " C'est quand même pas un galopiaud qui va m'apprendre mon métier."

     

                                         les nougats

     

    La semaine suivante,  Romain entre de nouveau dans le magasin du marchand de nougats.

    "Ah! Mais c'est le p'tit Romano" s'exclame le marchand. "Comment ça va à l'école?"

     Romain à qui on a déjà posé trente fois la question depuis qu'il est rentré du pensionnat la veille au soir répond:

    - "Ça va très bien Monsieur, merci. Mon prénom c'est Romain"

    - "Alors qu'est ce qu'il veut le p'tit Romano ?" demande le vendeur, de bonne humeur.

    - " Je voudrais cinq nougats Monsieur"

    Est-ce une réminiscence ? Au mot 'nougat' le boutiquier à un léger mouvement de recul. Il ne sait pas ce qui vient de se passer, mais par instinct, il est sur ses gardes.

    - "T'es sûr que c'est bien cinq nougats qu' tu veux ?"

    - "Oui, Monsieur, cinq nougats"

    Toujours en fouillant dans sa mémoire pour découvrir ce qui le tracasse, le marchand  tourne son regard vers sa femme comme pour quêter une réponse à la question qu'il a dans la tête et qu'il n'arrive pas à formuler mais sa femme est  assise sur une pile de sacs, en train de compter sur ses doigts.

    Se reprenant, il sort cinq nougats du bocal et les pose sur le comptoir.

    - "C'est cinq sous"

    - "Cinq sous Monsieur ?"

    - "Oui ! Cinq nougats c'est cinq sous" Avec toujours cette désagréable impression de ne pas maitriser la situation.

    - " Parce que la semaine dernière vous m'aviez dit que un nougat c'était un sou et deux nougats c'était trois sous".

    - "Ben oui ! C'est pas changé. Un nougat un sou, deux nougats trois sous et cinq nougats cinq sous."

    Il est sûr maintenant qu'il se passe quelque chose mais il a beau se concentrer il ne voit pas où est le piège. Il se raidit, prêt à réagir quand il le faudra.

    - "Alors, je vais prendre cinq nougats à cinq sous, Monsieur"

    L'enfant pose cinq sous sur le comptoir, dit merci et  met les cinq nougats dans sa poche. Puis il se dirige vers la porte pendant que le marchand cherche en vain le regard de sa femme. Quand il voit le petit faire demi tour et revenir près du comptoir, il sait qu'il savait que ça allait arriver, mais sans savoir pourquoi. Il sent dans l'estomac une boule qui grossit.

    - "Tout compte fait, Monsieur, je ne prends que trois nougats." Il pose les deux autres nougats sur le comptoir en disant :

    - " Je vous rends les deux nougats à trois sous"

    Victor (le marchand s'appelle Victor) a la gorge serrée. Les paroles ont du mal à passer. Ça tourne à toute vitesse dans sa tête. Il sait qu'il se passe quelque chose, mais ça va trop vite, il n'arrive pas à assembler ses idées. Comme un automate, il prend les deux nougats et rend trois sous au gamin.

    - "Merci Monsieur"

    Les yeux flous, Victor regarde le petit s'en aller. Ses yeux restent fixés sur la porte par où il est sorti. Il regarde le bocal aux nougats comme pour quêter une réponse.

    Un bruit le ramène à la réalité : sa femme vient de tomber de la pile de sacs.

    - " Il  sait vraiment pas c'qu'il veut ce p'tit galopiaud"

     

        Et son regard se pose sur le bocal de nougats.

     

     

     

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     - « Ouh ! Ouh !  Monsieur Dubois ! »

    Ma distinguée concierge, madame Michu, m’interpelle alors que je passe silencieusement devant sa loge.

    Madame Michu possède un sixième sens, comme je pense toutes les concierges. Elle « sent » lorsqu’un locataire passe devant sa porte. Ferdinand, son mari prétend même qu’elle sait qui passe.

    Comme il dit : « Pour ça, elle est forte Antoinette »

    Pourquoi ‘Pour ça’ ? Y aurait-il d’autres domaines où sa réactivité laisserait à désirer ?

    Je n’aurai jamais la réponse à cette question.

    -« Monsieur Dubois » Insiste t-elle. (je m’appelle Lechêne, mais elle m’appelle Dubois..

    -« Ah ! Madame Michu, comment ça va ? »

    - « Mon Fernand a un problème avec son ordinateur. Vous n’auriez pas deux minutes ? »

    1- Madame Michu ne répond jamais aux questions. Elle en pose.

    2- Ces deux minutes qu’elle me demande de consacrer au problème de  Ferdinand (qu’elle appelle Fernand) vont me bouffer toute ma matinée.

    Ce n’est pas qu’il soit méchant, Ferdinand, mais quand il s’agit de raisonner, il a comme un problème. Pourtant s’il a la tête vide, elle devrait résonner un maximum.

    - " Quel problème ? " je demande.

    Madame Michu se tourne alors vers on intérieur et lance :       - "Fernand, Monsieur Dubois va venir t'aider."

    Ayant depuis longtemps renoncé à contrarier Madame Michu, j'entre dans son 'intérieur'.

    Ferdinand est assis à la table de la salle à manger sur laquelle est posé un ordinateur portable. Quand je dis assis, c'est une façon de parler. En fait, il a le derrière posé sur le bord de la chaise et le reste du corps écrasé sur la table comme s'il cherchait à monter dessus.

    - "Alors Monsieur Ferdinand, quel est le problème ?"

    - "C'est pas arrivé" me dit-il.

    Autant Madame Michu est volubile, autant  Ferdinand est concis.

    'C'est un taiseux' dit sa femme.

    - "Le miel, il est pas arrivé, c'était pour confirmer."

    Je traduis :

    - "Vous avez passé une commande sur internet et vous n'avez pas reçu de votre fournisseur le Mél de confirmation. C'est cela ? "

    - "Oui, je viens de vous le dire"

    Je renonce lâchement à lui exposer la manière de poser un problème, les deux minutes sont déjà passées et je ne me vois pas sortir rapidement.

    - "Il y a combien de temps que vous avez passé votre commande?"  Je demande.

    - "D'habitude, je reçois le même jour."

    Ferdinand n'est pas fort non plus pour répondre aux questions.

    J'imagine leurs conversations, le soir, après la soupe, pendant cette heure incertaine où après le repas et avant la télé, ils se retrouvent face à face et qu'il faut combler un vide, remplir le silence.

    Elle : "Ça c'est bien passée ta journée ?"

    Lui : "Et toi ?"

    Elle : "Tu as des nouvelles de Marcel, il y a longtemps qu'il n'est pas passé ?"

    Lui : "Tiens! Robert a téléphoné mais tu étais partie aux courses"

    Elle :"Tu sais à combien elles sont les pommes de terre ?"

    Ainsi l'heure se remplit de questions sans réponses. L'important étant de ne pas laisser  s'installer le silence.

    Je réintègre la salle à manger.

    C'est curieux ce mot 'salle à manger'. C'est le mot 'manger' qui sonne mal. C'est comme si l'on disait 'salle à bouffer' ou 'salle à baffrer'. La salle aux repas me semblerait plus convenable.

    Donc, je réintègre la salle à manger de Ferdinand et Marie Antoinette qui me regardent, concentrés et anxieux comme dans une maternité une mère qui attend que sa fille accouche.

    - Euh ! Vous avez regardé dans les indésirables ?" je demande à tout hasard.

    - "Les quoi ?"

    -" Les indésirables. Les courriels indésirables."

    - "Mais c'est pas indésirable puisque je l'attend. Je dois le recevoir."

    - "Oui, mais quelquefois, les courriels n'arrivent pas dans la boite de réception, mais sont directement envoyés dans la boite des courriers indésirables."

    Ferdinand  se redresse, tourne la tête vers moi  et me regarde comme s'il voyait un extra-terrestre plein de tentacules et dégoulinant de bave, ou comme un enfant dont le ballon vient d'éclater et qui se demande ce que va devenir le monde sans son ballon.

    J'approche rapidement avant qu'il ne se mette à pleurer et je lui montre, sur l'écran, la boite de réception et en dessous la boite des indésirables. Je lui fais ouvrir cette boite et il y trouve, effectivement, le courriel qu'il attendait.

    Son visage s'éclaire, un large sourire lui fend la face, ses yeux brillent comme le petit garçon à qui on aurait offert un nouveau ballon. Mais il reprend brusquement un air sérieux. Ses méninges tournent à une vitesse folle.

    - "Pourquoi le message se trouve là "

    - " C'est par précaution, par sécurité, pour mettre à part les courriers qu'on ne veut pas recevoir."

    Je m'aperçois trop tard que j'ai mal formulé ma réponse. Ferdinand se dresse.

    - "Mais je voulais le recevoir."

    - "Oui, mais quelquefois, il y a trop de sécurité et même les messages que l'on accepte de recevoir sont envoyés dans les indésirables."

    - "Mais si ce sont des messages qu'on ne veut pas recevoir, pourquoi on me les envoie ?"

    Je sens que mes explications n'entrent pas dans la logique de Ferdinand, mais je veux insister et je m'embrouille.

    - "C’est-à-dire que ce sont des messages qu'ON pense que vous ne voulez pas recevoir, mais ON vous les envoie quand même  pour que vous sachiez qu'ON vous les a envoyés. Mais ON les met à part puisque vous n'en voulez pas."

    Je me rends compte que je coule de plus en plus profond. Il va bientôt me falloir une assistance respiratoire.

    - "Moi je trouve que c'est bien comme ça" lance marie Antoinette

    Bon sang ! Je l'avais oubliée celle-là. Je sens que la température va monter. Effectivement Ferdinand se lève, attrape sa femme par les épaules, la mène dans l'entré de l'immeuble, la fait assoir sur les escaliers puis revient, ferme la porte et s'assied.

    Calme

    Je me demande combien de temps cela va encore durer. J'aimerai sortir.

    - "Pourquoi ils mettent pas directement ces courriers à la poubelle si j'en veux pas?"

    Silence

    Du coin de l'œil je vois Marie Antoinette entrer sur la pointe des pieds et s'asseoir à l'autre bout de la pièce.

    Pourvu qu'elle se taise.

    - "Vous voyez, Monsieur Ferdinand que les choses sont bien faites. Si le message était mis directement à la poubelle vous ne l'auriez pas récupéré. Alors que là, grâce à ce système, vous l'avez récupéré." "Voilà" dis-je en reculant vers la porte de sortie. "N'oubliez pas Monsieur Ferdinand, il faut toujours regarder dans la boite des indésirables"

    Je suis arrivé à la porte que j'ouvre.

    Ferdinand est dans ses réflexions.

    - "Tu as compris ce qu'il t'a dit Monsieur Dubois" dit Marie Antoinette

    Ferdinand lève un regard sur sa femme.

    Je me sauve.

    C'est vrai ! Il a raison Ferdinand. Si ces courriels sont indésirables, pourquoi nous les envoyer ?

    C'est comme si on mettait des tas de prospectus  dans une boite aux lettre avec une étiquette 'pas de publicité SVP'

     

    Il est quand même finaud Ferdinand.

     

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    La clef tourne doucement dans la serrure que je prends grand soin de huiler régulièrement.

    Me voici sur le palier de ce grand immeuble à l’angle de la rue d’Alésia et de la rue Vercingétorix, qui fut cossu sous Napoléon III mais qui, aujourd’hui, fait plutôt triste mine.  Peu importe. L’important n’est pas là.

    Je dédaigne l’ascenseur, bien qu’il n’ait rien fait pour mériter mon dédain, mais comme tous les ascenseurs que je connais celui-ci fait un bruit entre le couinement et le grincement qui ne convient pas du tout dans les circonstances présentes. A pas mesurés, environ 75cm, je descends l’escalier en bois recouvert en son centre d’un tapis qui devait être rouge à l’origine mais qui aujourd’hui ne s’en souvient plus. Il devrait en rougir de honte.

    Arrivé à quelques marches du rez-de-chaussée, je fais une pause. Non pas parce que je suis essoufflé, mais pour observer les alentours. Plus précisément la petite fen^etre (Ah ! J’ai raté le chapeau du ‘e’. Je recommence)...la petite fenêtre (voilà) qu’occulte un rideau « brise-bise-gris-déco-maison-modèle broderie » de la Redoute.

    Car c’est derrière ce rideau que vit et sévit Marie Antoinette Boldu la concierge de l’immeuble. Je pense que Mme Boldu est à ce poste depuis la construction du bâtiment, tant elle est au fait des faits des locataires, du propriétaire et des voisins de la rue d’Alésia, de la rue Vercingétorix et des environs à 14 kilomètres à la ronde. Alors forcément elle entend beaucoup de choses ce qui lui permet d’avoir un avis sur tout. Elle peut aussi bien vous donner la recette du 4/4 que vous expliquer (ou tenter de le faire) comment mesurer l’énergie des particules électromagnétiques. Le professeur Scharzurtrichof du 4ème doit y être pour quelque chose.

    Bref, je tentais sans trop y croire d’éviter Marie Antoinette, ayant rendez-vous avec Martine dont je vous parlerai plus tard. J’avais raison de ne pas y croire quand Mme boldu un fin sourire sur ses lèvres gercées sort brusquement de la loge et me barre le passage de manière péremptoire. Tiens Monsieur Dubois (je m’appelle Lechène) venez par ici que je vous raconte la dernière. Elle est assez directive dans ses interventions. Comme il ne faut jamais contrarier une concierge et encore moins Mme Boldu, j’obtempère en pensant à Martine.

     Je lui fais un grand sourire, celui qui veut dire : « Vous m’avez encore bien eu, mais je fais celui qui ne s’en rend pas compte ». Elle me rend mon sourire « Pas la peine de faire semblant, je sais bien que ça t’embête, mais tu resteras quand même » (dans sa tête elle me tutoie).

    De bonne grâce je la suis dans son « chez nous » comme elle dit : « ç’est pas grand, mais c’est chez nous » Je vous fais grâce de la description de l’endroit. Ah ! Si quand même il y a un élément important que je dois signaler, mais ce ne sera pas long. Il y a au dessus du bureau, où elle doit faire ses comptes, accroché au mur, un tableau. La particularité de ce tableau, c’est qu’il ne représente pas toujours la même chose. Au gré de ses humeurs, ou de l’actualité, Mme Boldu change la photo encadrée. C’est un indice qui permet de savoir quelle est sa préoccupation en cours. Le dimanche matin quand Ferdinand par « faire » son tiercé, elle encadre la photo d’un cheval. C’est sensé porter chance. Mais lucide elle a baptisé le cheval, un gros boulonnais de labour : clopinettes, (ce qui rend le cheval ridicule) parce que les tiercés de Ferdinand n’ont jamais ramené que des clopinettes. Avant de partir en vacances, chaque année, tout le mois de juillet le cadre représente une plage ensoleillée et ‘empalmiérée’ où une multitude de corps bronzés s’étalent, s’amalgament et se superposent. Ceci pour forcer la météo à être clémente au mois d’aout période de sa villégiature à Bourg le sec.

    Aujourd’hui, curieusement, c’est la photo d’une sainte qui est à l’honneur. C’est nouveau. Elle est peut-être entrée dans une période mystique Marie Antoinette, ou elle a un gros péché à se faire pardonner. Je décide de la taquiner un peu.

    -« C’est quelqu’un de votre famille ? »  

    Elle ne relève pas l’impertinence.

    -« C’est sainte Catherine »

    - « Ah ! »

    - « Elle a eu les estigmates » répond-elle comme une évidence.

    - Re « Ah » de ma part sans relever le barbarisme.

    A ce moment Ferdinand son époux, entre dans la pièce. Quand je dis ‘entre’ c’est une façon de parler. Il se traine. Visiblement il vient de se réveiller ou d’apprendre une terrible nouvelle. Il ne me voit pas et pars péniblement s’effondrer dans un fauteuil qui ne méritait pas ça. Je cherche un moyen de partir sans vexer Marie Antoinette.

    - « Je les ai » dit Ferdinand d’une voix d’outre-tombe.

    - Marie Antoinette s’approche de lui et délicatement lui éponge le front avec son tablier.

    - « Il les a » me dit-elle dans un souffle.

    -« Qu’est ce qu’il a ?» je demande. « C’est son flegmon ? »

    C’est vrai que Monsieur Ferdinand développe depuis quelques semaines une excroissance impressionnante en dessous de l’oreille droite. Un flegmon.

    Je pense au mot ‘flegmon, ou ‘phlegmon’. J’aime bien ce mot. Il sonne bien aux oreilles (pas à celles de Ferdinand). Et puis, le ‘ph’ du début, je trouve que ça fait classe. Si c’était un flegmon cela ferai pauvre, ouvrier, mais ‘phlegmon’ ça pose son homme. C’est comme la goutte. On ne voit jamais d’ouvrier gouteux. La goutte est réservée à une certaine classe. Phlegmon et Ferdinand ça va pas ensemble. Où alors il faudrait qu’il s’appelle Pherdinand. Là oui. Ca pose !

    Je remonte à la surface.

    Mme Ferdinand est coite. Zut j’ai tout raté. J’espère qu’elle ne m’a pas posé une question. Ferdinand a relevé la manche de son pull. Je remarque qu’il s’est cogné ou accroché quelque part, une fine zébrure traverse son biceps flasque.

    - « Vous voyez ? » dit Ferdinand en me regardant d’un œil anxieux.

    - « Non. Qu’est ce qu’il y a ? » l’interrogeais-je.

    - « Il a les estigmates » dit Marie Antoinette dans un souffle.

    - « Où ça ? »

    C’était la question à ne pas poser. Mme Boldu me jette un regard... comment dire : imaginez le regard d’un lapin face au fusil du chasseur. Il implore toute la mansuétude du monde, supplie qu’on prenne en compte son horrible détresse, mendie une charité et une humanité sans borne.

    Marie Antoinette a le regard du lapin. Il m’émeut profondément.

    - « Il a les estigmates » Souffle-t elle.

    Ferdinand opine du chef. Ne voulant pas les contrarier j’entre dans le jeu.

    - « Depuis quand ? »

    - « Depuis hier. Fernand montre à Monsieur Dubois ton autre estigmate »

    Ferdinand enlève alors ses bretelles et déboutonne son pantalon.

    - « Je vous crois, monsieur Ferdinand, je vous crois » Mais Ferdinand me m’entend pas.

    Il ouvre sa braguette.

    - « Ferdinand arrêtez, je vous crois, ce n’est pas la peine »

    Peine perdue. Le pantalon glisse sur ses chaussettes.

    Pourquoi ai-je voulu sortir aujourd’hui ? Pourquoi je ne suis pas passé en courant devant la loge ? Qu’est ce que je fais ici ? Comment partir ?

    - « Vous voyez ? » me dit Marie Antoinette sans que je sache s’il s’agit une interrogation ou d’une affirmation.

    Je glisse un œil sur le spectacle désolant de Ferdinand, en slip blanc qui lui pend jusqu’aux genoux. Et sur le genou, sur la rotule, en regardant bien, je vois une petite zébrure rose.

    J’amorce un repli vers la porte.

    - « Je croyais - dis-je d’air benêt- que les stigmates apparaissaient sur les mains et les pieds. »

    « Attendez ! me dit Marie Antoinette. Il débute. Vous verrez (j’espère bien que non) dans quelques jours ils seront à la bonne place. Hein Fernand ? »

    Ferdinand, incapable de parler opine du chef en reboutonnant ses bretelles. Je sens que je vais pouffer.

    Puis il reprend sa pose inspirée au fond du fauteuil.

    -« Fernand ! Monsieur Dubois peut revenir quand pour voir tes estigmates ? »

     Je bafouille des mots incompréhensibles que personne d’ailleurs n’écoute et je sors de la loge comme on sortirait d’un immeuble en flamme.

    Il y a du soleil. La rue est belle, les gens sont beaux, je leur souris bêtement comme si je voulais leur faire partager mon bonheur de me retrouver dans un cadre connu, rassurant.

    J’ai rendez-vous avec Martine.

    Je me demande comment faire pour rentrer ce soir sans attirer l’attention de Marie Antoinette.

     

                les estigmates

     

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    Dans le sud de la France, perdue au milieu du vaste estuaire parmi les rizières les taureaux et les chevaux, se trouve une petite chapelle dédiée à Sainte Marie de Camargue. A l’entrée de ce sanctuaire, posé sur un grossier meuble de bois, un cahier est à la disposition des fidèles adorateurs pour supplier la vierge d’exaucer un vœu ou la remercier de son intervention. Un stylo sans capuchon, attaché au meuble par une ficelle pend sur le côté.

    Voici quelques extraits de ces instants de vie.

     

                la petite chapelle

     

    voeu 1

     

       

         

     

     

     

     

     

     

     

     

     

           

     

     

    voeu 7

     

     

    voeu 6

        

     voeu 8

          

     

     

     

                         

     

     

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    Edouard a 87 ans. Il est assis, seul, dans sa cuisine, les coudes et les avants bras étalés sur la table, les yeux ouverts dans le vague. Il ne voit pas ce qui l’entoure. Nul besoin d’ailleurs. Il y a si longtemps qu’il y vit qu’il peut circuler les yeux fermés ou plutôt l’esprit fermé. Tout est ancien autour de lui : les murs, les meubles les bibelots, les photos accrochées au mur. Soudain, il sursaute, semble sortir d’un rêve et marmonne : « Ah ! Encore ces volets »

    Le bruit d’un volet qui grince l’a sorti de sa torpeur. Il regarde autour de lui, semble découvrir son environnement et se lève. Malgré son allure voutée, il fait grand. On devine qu’il a dû être un « bel homme » Les cheveux gris sont abondants et la peau, bien que ridée, a conservé une teinte fraîche. Son visage est allongé et il ne porte pas de lunettes. Ce n’est pas qu’il y voit bien, mais sa « zone de déplacement » est si limitée qu’il n’en a guère besoin. La bouche a cette contraction naturelle qui lui donne l’air de toujours sourire. En fait, c’est un vrai sourire car les yeux l’accompagnent. Tant il est vrai que l’on sourit d’abord avec les yeux.

    Les yeux d’Edouard. Ce qu’il a de plus jeune en lui. Ses yeux qui voient mal, mais qui brillent. Ce sont des yeux malicieux, les yeux d’un être qui a beaucoup vu et entendu. Edouard entend avec ses yeux. D’ailleurs tous ses sens passent par ses yeux. Ils expriment la douceur, la bonté, l’indulgence. L’indulgence surtout. Ils acceptent tout ce que font « les autres », tout ce qu’ils sont. Il a le recul nécessaire pour comprendre.

    Les deux mains encore sur la table, il se déplace d’un pas hésitant.

    Là est le problème d’Edouard : marcher. Ou plutôt ne presque plus savoir marcher. Il se traine Chaque pas est hésitant comme si c’était le dernier. Les mains ont quitté le secours de la table et il se dirige vers la porte ouverte sur la rue. C’est un peu bruyant toutes ces voitures. De plus sa maison est placée à un carrefour. Alors !

    Arrivé à la porte, il marque un temps d’arrêt, fouille dans ses souvenirs : Ah ! Oui. Le volet !

    Il l’avait pourtant rattaché il y a peu de temps, mais avec ce vent …

    « Je vais aller chercher un bout de ficelle dans la remise », pense t-il.

    La maison d’Edouard n’a pas de mitoyenneté.

    Une fois dehors, il regarde un instant passer les voitures. Sur le trottoir d’en face, une vieille dame, un cabas au bout du bras, tourne la tête  et lui fait signe. De là-bas, il ne distingue pas ses traits, mais il l’a reconnue. C’est Marie Joseph qui revient de faire ses courses. Avec effort, il lève un bras pour répondre à son salut.

     C’est tout, il n’y aura pas de mots échangés. Il ne parle plus. A qui parlerait- il ? Il n’a plus de famille. Enfin, plus d’enfant, plus d’épouse. L’image de Solange s’incruste douloureusement dans sa mémoire. Ca fait combien de temps qu’elle est décédée Solange ? Ca fait trop longtemps.

    Avant, quand elle était là, il y avait de l’animation. Elle aimait bien parler, Solange. Elle recevait ses amies. Edouard ne participait pas, mais il aimait cette ambiance. Surtout, il aimait Solange.

    Un sourire allume son visage à ce souvenir. C’est bon de se souvenir.

    Edouard n’a jamais voulu de canne. Cela l’aurait pourtant bien aidé, car il se traine plus qu’il avance.

    Attention à la marche pour descendre dans le jardin plein d’herbes folles

                                 --------------

    Jacques à 65 ans et son plaisir est de marcher. Marcher, comme ça, sans but précis, pour le bien qu’il en ressent, pour l’équilibre que cela apporte à son corps et à son esprit. En marchant, il se détache, s’extrait de son environnement. Il évolue dans  une oasis de tranquillité et y trouve  parfois, une source de création.

    Ce matin, il marche depuis neuf jours sur un chemin de Compostelle. Marcher

    Le soir, monter la tente, dormir. Le matin tout entasser dans le sac à dos et partir.

    Marcher

    Ce matin, justement, il traverse un petit village et arrive à un croisement où passent quelques voitures.

    De l’autre coté du carrefour, près d’une petite maison avec la porte ouverte, il voit un vieux monsieur qui avance, un bout de ficelle à la main, et qui le regarde.

    Jacques s’est arrêté et regarde Edouard. Il remarque la dignité dans la pauvre démarche, pleine d’hésitation, du vieil homme. La volonté qu’il manifeste pour avancer l’interpelle, excite son intérêt et lui inspire une sorte de respect. Du respect devant la force déployée pour un si faible résultat. Et puis l’homme s’est arrêté, lui aussi, et le regarde. Il y a dans son attente comme une quête, un appel. Comme pour dire : »Je suis là ; viens si tu veux ».

    Jacques n’a pas de raison de s’arrêter. Il n’aime pas s’arrêter si ce n’est pour demander  de l’eau. Il  faut beaucoup d’eau quand on marche. Mais sa gourde est encore à moitié pleine, et il en a encore une pleine dans son sac à dos.

    Pourtant Jacques traverse la rue. Ce qui le frappe tout d’abord, c’est l’accoutrement du vieil homme. Il porte une chemise à carreaux, à petites manches, le col largement ouvert.

    Ca, ça va. Mais le pantalon !

    Si on peut appeler cela un pantalon. Plutôt un caleçon, blanc, serré, élimé. L’entre jambe lui descend presque aux genoux. Ce n’est pas qu’il soit sale, non, mais usé, comme arraché par endroits. Le bas des jambes est rentré dans les chaussettes, et aux pieds, il porte des pantoufles à carreaux qu’il a enfilé comme des mules.

    Sous cette apparence il pourrait paraître grotesque : il n’en est rien. Il y a dans cet accoutrement quelque chose de digne.

    Jacques a croisé son regard. Un regard qui sourit, un regard malicieux qui semble dire : Eh bien ! Oui, c’est moi. Comme s’il l’attendait depuis longtemps.

    -       « Bonjour »

    -       « Bonjour »

    Jacques lui tend la main. Il serre les doigts fossilisés. Des doigts repliés, bloqués qui exercent une faible pression.

    -       « Pourriez vous me donner de l’au du robinet s’il vous plait ? »

    Avec une ébauche de sourire, Edouard lui fait signe d’entrer.

    La pièce est petite, encombrée : table, chaises, armoire, fauteuils occupent tout l’espace. Dans le fond de la pièce un évier.

    Deux portes sont ouvertes. L’une en face, près de l’évier, l’autre à droite. D’un rapide coup d’œil, Jacques voit le désordre qui y règne : vêtements, objets épars.

    Jacques a préparé son bidon. Edouard  s’empare d’un gobelet et ouvre le robinet. Pas un robinet comme en voit dans les cuisines et les salles de bain. Plutôt une vanne, rouge, qu’on pousse à droite ou à gauche.

     Moment de flottement et d’indécision : Jacques présente son bidon sous le jet d’eau, et Edouard son gobelet. Ils se regardent. Le gag les amuse. Personne ne dit mot, mais chacun perçoit le cocasse de la situation. Un courant passe entre eux. La gourde est remplie, elle déborde, l’eau jaillit sur le mur avant qu’Edouard ne ferme la vanne. Nouveau regard complice

     

    Sur le seuil de la porte, Edouard regarde Jacques s’éloigner. Celui-ci se retourne, lui fait un signe de la main. Edouard lui répond puis rentre chez lui

    Si le volet n’avait pas grincé pense t-il. 

     

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  • RABADILLA DE GALLO RESBALADOR (*)

     

     

         Il est des coutumes curieuses que l’on découvre au fil des voyages pour peu que l’on s’intéresse à la vie de nos contemporains. C’est ce qui fait tout l’intérêt des voyages : un enrichissement permanent.

         Au hasard.

         Lors d’un passage dans la province des Asturies, dans le nord de l’Espagne, j’ai découvert le plat fameux que l’on nomme dans la langue du pays : Rabadilla de gallo resbalador. Ne le cherchez pas dans les grands restaurants pleins de touristes, vous ne le trouverez pas. Enfoncez vous plutôt à l’intérieur du pays, loin, dans les campagnes qui ont gardé intactes leurs traditions.

         Avec de la chance, dans un petit hameau isolé, vous pourrez vous en faire servir chez l’habitant.

         Dans la salle à manger sombre, assis sur le banc long, vous humerez d’abord le parfum qui filtre de la marmite accrochée dans l’âtre, au-dessus du foyer de troncs d’eucalyptus. Et si vous avez su plaire, « el hombre » vous contera l’histoire de ce plat dont l’origine se confond avec l’émergence de l’humanité.

         Mais d’abord, il vous servira le « quisquilloso ». Car  ‘par là’, on a le sens de l’humour. Quisquilloso veut dire ‘chatouilleux’. C’est une boisson à la couleur incertaine servie dans un verre avec un petit manche. Et vous goûterez alors pleinement leur sens de l’humour quand après y avoir ‘trempoté’ la lèvre supérieure, les larmes vous couleront en déluge au travers des paupières en feu et que vous entendrez votre œsophage lancer un cri d’alerte maximum à l’estomac qui verrouillera toutes ses issues. En vain !

         - « C’est fait avec de la peau de porc macérée dans du sang de vache qui vient de vêler. »

         - « Je le fait moi-même » ajoutera t-il en vidant son verre cul-sec.

         Après que vous ayez un tant soi peu récupéré, selon votre constitution entre ¼ d’heure et une semaine, el hombre poursuivra :

         - « Entendîtes-vous de par nos profondes campagnes...

    (Je traduis le patois du coin, autrement cela ferait 

         - « Z’avions ti ouï din l’fin fond d’not cambrouss’…)

    Je retraduis en langage courant :

         - « Avez-vous déjà entendu de très bon matin le chant du coq ? »

         - « Oui ! Certainement » répondra t-il à votre place.

         - « Mais l’avez-vous entendu par ici, dans nos campagnes presque abandonnées ? »

         - « Non, surement pas » (Vous alliez le dire)

         - « Et bien restez jusqu’à demain, levez vous à 4 heures et partez dans les sentiers. Parce qu’ils sont partout les coqs, en liberté, pas comme chez vous à passer leur vie derrière un grillage. Ici c’est une race particulière, adaptée au terrain.

         Vous avez remarqué, ce n’est pas plat, ce n’est même rudement pas plat. Que des coteaux, des pentes, pas de lignes droites, que des obliques. Des diagonales dirait mon petit fils.

         Alors, dès le réveil, à l’aurore naissante, quand les rayons blêmes de l’astre émergeant auréolent de feu la brume des prairies humides, ragaillardis par une nuit passée à la belle étoile et couverts de rosée, les coqs s’élancent sur les pentes herbeuses, les pattes relevées, le croupion formant luge et jettent au ciel un ‘cocoricooooooo’ qui commence puissamment et qui au fil de la pente va crescendo  et d’avantage encore quand l’animal prend de la vitesse pour finir en apothéose dans les ‘contre-ut’ que seules atteignent les plus talentueuses divas.

         Arrivés en bas, hébétés, ivres de plaisir, les voilà qui remontent et reprennent leurs courses insensées. »

         Votre interlocuteur alors fait une pause, essoufflé, comme s’il avait lui-même effectué cette glissade. Une larme lui coule au coin de l’œil à la pensée du plaisir de la bête (c’est un tendre).

         -   «  Voyez-vous, Monsieur, reprendra t-il, sérieux, nos coqs depuis tant de générations et tant de glissades ont développé un croupion que vous ne verrez à aucun autre derrière de gallinacé.

         Les nôtres, (il veut parler de ceux des coqs) sont larges comme la main, à la fois ferme pour résister aux accidents du terrain, et tendres à l’intérieur pour que la bête ressente toutes les émotions tactiles. De plus, à chaque glisse, ils s’imprègnent de toutes les senteurs des végétaux qu’ils arasent, de tous les arômes des bonnes plantes de notre campagne.

        Nul besoin de les accommoder de ceci ou cela, tout est déjà à l’intérieur. » »

     

         C’est vrai ! Je peux le dire, j’y ai goûté.

         Une ‘Rabadilla de gallo resbalalor’, qui remplit l’assiette ne se décrit pas, ne se raconte pas. En la dégustant elle m’emporte dans les prairies humides et je dévale les pentes avec les coqs dans une ivresse infinie.

     

         - «  Vous reprendrez bien un verre de quisquilloso » dit mon hôte, malicieux.

      

    * Croupion de coq glisseur

     

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  •  

     

     

    Ce sont souvent de petites choses qui nous rendent la vie difficile.

     Des petits riens qui manquent ou un excès qui ne convient pas.

    Un exemple classique, Mesdames : une « envie » vous prend soudainement.

    Ne dites pas « non ». Je suis sur que cela vous est déjà arrivé.

    Oh ! Pas la grosse envie. Non ! Soyons raisonnable, un « petit pipi », comme ça, pour être bien, presque pour le plaisir. Ce n’est pas grave, me direz-vous, il suffit de le satisfaire.

    Eh bien, toute la difficulté vient de là.

    Si vous êtes chez vous, pas de problème. Vous avez à votre disposition toutes les commodités nécessaires à cet accomplissement.

    Ce qui est dommage, en fait, c’est que ça arrive rarement chez vous.

     Non. ! Ca vous titille quand vous êtes à l’extérieur, dans la rue. Parce que nos édiles, aussi compétents soient-ils quand il s’agit de calculer nos impôts, d’inaugurer le nouveau trottoir en mosaïque d’Italie en face de la mairie ou l’œuvre contemporaine d’un artiste sibérien dont on n’est pas sur qu’elle ait été érigée à l’endroit...

    NON ! Nos édiles disais-je ne semblent pas préoccupés par ce désir anatomique.

     Peut-être que vu leur âge, ils disposent chacun d’une poche ….

    Quoi qu’il en soit, vous voilà bien embarrassée.

    Soyons francs. Il est quand même des lieux où une installation ultramoderne est prévue à cet effet. Cela se présente souvent sous la forme d’une ‘cabane’ métallique, lisse, sorte d’œuvre accomplie par notre artiste sibérien. Il n’y parait qu’une ouverture, hermétiquement close qui peut d’ores et déjà vous rebuter et refouler en vous toute envie d’accomplissement.

    Il est des pays qui ont pris le problème à bras le corps, si l’on peut dire, et où vous avez, quelque soit l’endroit de votre besoin, ou si vous préférez le lieu où il se manifeste, que l’embarras du choix pour le satisfaire. Vous pouvez presque choisir la couleur du local. Ce sont des pays aux ressources importantes et où ces « petits endroits » sont une forme d’élégance.

    Il n’en va pas partout pareil.

    En Espagne, je m’interrogeais sur cette question existentielle jusqu’au jour où mon regard tomba sur ce qui paraissait être une plaque d’égout.

    Je le ramassai bien vite (mon regard) et compris qu’il y avait là une solution simple, pratique et économique pour résoudre le problème :

     au besoin_2

     

     

    Il suffisait, bien évidemment, de se brancher directement sur le terminal.

    Vous en trouvez dans toutes les rues, ruelles, impasses et boulevards.

    Quel soulagement !

    Il y a juste à soulever la plaque et vous voila connectée. Directement du producteur au distributeur. Et vu le diamètre de l’ouverture vous pouvez satisfaire, le besoin le plus modeste au plus élaboré.

     

    Plus de retenues.

    Plus de pressions.

     

    La liberté, quoi !

     

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  • PETITE HISTOIRE DE NOTRE VILLE                                                                                                                                                                                     31 octobre 2017

     

    Les rues de notre ville portent parfois des noms qui nous interpellent. Des noms tellement inconnus qu’on se demande s’ils n’ont pas été inventés, ou quel rapport il peut y avoir entre ce nom et la ville.

    Il en est ainsi dans notre de ville de M-z- où une plaque de rue porte un nom qu’on ne s’attend pas à trouver dans ce lotissement calme et moderne.

    Personne n’ayant pu me donner l’origine de cette appellation, je suis donc allé, pour satisfaire ma curiosité, consulter les archives de la mairie. J’y ai trouvé un document qui précise les circonstances dans lesquelles elle fut installée.

     

    Je résume l’histoire :

      

                                                              LA PLAQUE DE RUE

      

    Il y a longtemps, un habitant analphabète qui s’appelait R... se désolait que sa rue ne porta pas de plaque de rue. De plus comme sa maison était la première de la rue, il voulut y faire apposer une plaque qui indiquerait le nom de sa rue.

    Il alla trouver un fabriquant de plaque de rue qu’on appellera T… et qui était presque sourd suite à une maladie d’enfance mal soignée.

    -«  Bonjour vous fabriquez des plaques de rue ? »   demanda R…

    -« Hein ? « 

    -« VOUS FABRIQUEZ DES PLAQUES DE RUE ? » redemanda R…

    -« Non ! Je fabrique des plaques de rue. Qu’est-ce que vous voulez ? »

    -«  Je voudrai une plaque de rue : ‘ RUE DE SAINTE LOUISETTE ‘

         c’est dans cette rue que j’habite. »

    -« Pas de problème » répondit T... Revenez la semaine prochaine,      ce sera fait.

    Une semaine plus tard, R... retourne chez T... Pour récupérer sa plaque de rue.

    -« Vous avez fini ma plaque de rue de Sainte Louisette ? » lui demande R..

    -« Hein ? »

    -« VOUS AVEZ FINI MA PLAQUE DE RUE DE SAINTE LOUISETTE ? »

    -« Non ! Je l’ai terminée hier » dit T...

    Il alla fourailler dans son bric-à-brac et tendit à R... La plaque qu’il avait fabriquée.

    R... qui était analphabète, comme on a déjà dit, mais ne voulant pas le montrer répondit que c’était exactement ce qu’il avait demandé, rentra tout fier chez lui et fixa sur sa façade la plaque  « rue de Sainte Louisette »

     

     

     

    C’est ainsi qu’une rue de M-z- porte le nom de Saint Louis VII

     

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