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sur la route
JACK KEROUAC
Le livre est écrit en 1951 sur un rouleau de papier de 36 mètres de long.
Pendant trois semaines dans une sorte de transe, Jack Kerouac reporte sur le papier ses dernières années de vagabondages, ses rencontres, ses émotions.
Pas de paragraphe ni de retour à la ligne.
Il ne sera publié qu'en 1957 après de nombreuses corrections.
La version originale du rouleau est éditée dans la collection "folio" en 2010.
Le livre rejette tous les tabous de la société puritaine de l'époque.
Il sera à l'origine de la "BEAT GENERATION" qui envahira la jeunesse américaine d'abord puis tout l'occident. Il évoluera par la suite en mouvement Hippie.
BEAT peut être traduit par : battu, abattu, au bout du rouleau.
Il entrainera derrière lui toute une génération étouffée par le conservatisme, une jeunesse avide de liberté, de paroles et de mœurs.
Ces jeunes partent sillonner les routes des USA et du monde entier. Ils rejettent tous les interdits, usent et abusent de l'alcool, de la drogue et du sexe. Ce ne sont pas des délinquants, mais de grands enfants ivres d'espace et de liberté. Ils sont ou deviendront écrivain, architecte, anthropologue etc...
Le livre commence par :
"J'ai rencontré Neal pas très longtemps après la mort de mon père..."
Neal Cassady
Neal Cassady sera le fil rouge de ce livre et de cette période de la vie de Jack Kerouac.
En 1947 Jack Kerouac vit à New York avec sa mère. Il veut partir, n'importe où, mais partir, découvrir d'autres choses. L'argent ? Un minimum suffit. On verra au fur et à mesure. Se déplacer, rencontrer d'autres gens, faire la fête, et parler, parler pendant des heures, des jours, des nuits. Parler de ses rêves, de ce qu'on a fait, de ce qu'on veut faire.
Jack Kerouac est à l'université de Columbia quand il lit des lettres que Neal Cassady a écrites à son ami Hal Chase, un autre étudiant, et quand Neal arrive à New-York, Kerouac se précipite chez lui. Neal Cassady venait de se marier avec LuAnne Anderson.
Jack Kerouac parle de Neal Cassady et Allen Ginsberg, un autre étudiant :
"Mais à l'époque ils dansaient dans la rue comme des ludions, et moi je trainais la patte derrière eux, comme je l'ai toujours fait quand les gens m'intéressent, parce que les seuls qui m'intéressent sont les fous furieux du verbe, qui veulent tout à la fois, ceux qui ne baillent jamais, qui sont incapables de dire des banalités, mais qui flambent, qui flambent, qui flambent, jalonnant la nuit comme des cierges d'église."
Quand Neal Cassady quitte New-York pour Denver, Jack Kerouac décide de partir sur la route, seul. Son premier départ.
La destination : San Francisco.Son ami Henri Cru, vit là bas.
Henri Cru
Son premier roman (Town and City) à moitié écrit, il prend la route n°6, en faisant du stop. La route 6, c'est plus de 5 000 km, d'est en ouest, à travers 14 états. Mauvais départ. De retour à New York il repart en bus pour la première étape jusqu'à Chicago.
Durant ce voyage, il s'ébahit de tout ce qu'il voit de nouveau. Des chauffeurs de poids lourds qui roulent à tombeau ouverts, l'odeur du maïs, le premier cow-boy, un vrai, les "rougelands", prairies à perte de vue, des indiens aux coiffes de plumes (des vrais ? des faux ?), les sommets enneigés des montagnes rocheuses ...
Arrivé à Denver il prend contact avec son ami Hal Chase, qui l'héberge 1 nuit.
Hal Chase vivait avec sa mère.
Hal Chase
"C'est un blond mince avec un visage de guérisseur" dit Jack Kerouac.
207- Puis il retrouve Allan Temko avec qui il partage un appartement.
Allan Temko
"Un fâché avec la vie " dira Jack Kérouac
A Denver, il fait la connaissance de Bob Burford qui deviendra un grand ami.
Bob Burford
"La mauvaise graine de la famille"
Il retrouve aussi son ami Allen GINSBERG.
Allen Ginsberg
Un poète américain, contestataire.
Une icône du mouvement hippie.
Le soir en se promenant dans la ville de Denver:
"L'air était si doux, les étoiles si belles et si grandes, la promesse de toutes les ruelles pavées, je me croyais dans un rêve"
Quand il apprend que Neal Cassady est à Denver il se rend chez lui :
Neal Cassady
Le meilleur ami de Jack Kérouac. Le modèle du mouvement Beat.
"C'était une vieille bâtisse de briques rouges, entourée de garages en bois avec de vieux arbres qui pointaient la tête par-dessus la palissade"
"Neal m'a ouvert, nu comme un ver"
Et la fête commence, avec la tournée des bars, les rencontres avec les filles. Ivres d'alcool et de plaisir.
Dans un bar il fait la rencontre de Justin brierly.
Justin Brierly
Éducateur et avocat. Il aida beaucoup Neal Cassady lors de ses démêlés avec la justice .
"La foule des spectateurs s'entassait dans les bars, du comptoir jusqu'au mur"
"Justin W. Brierly serrait la main à tout le monde en disant : 'Bonjour, ça va, cet après midi ?' et quand il a été minuit : 'Bonjour, ça va, vous, cet après midi?"
Kerouac dit de Brierly :
"Il n'était pas ivre d'alcool mais de son plaisir majeur : voir des milliers de gens aller et venir sous sa direction à lui, le Maestro de la Danse Macabre"
Même pendant ces beuveries, Jack rêve :
"On entendit hurler de rire de tous les côtés. Je me demandais bien ce qu'en pensait l'Esprit de la Montagne, et, en levant les yeux, j'ai vu les pins sous la lune, les fantômes des vieux mineurs et ça m'a laissé rêveur. Sur toute la paroi est du Divide, cette nuit là, c'était le silence, et le murmure du vent, sauf dans le ravin qui retentissait de nos braillements"
A ce moment il décide de poursuivre sa route vers San Francisco.
"En Amérique, les garçons et les filles ont des rapports si tristes; l'évolution des mœurs les oblige à coucher ensemble tout de suite, sans avoir parlé comme il faut. Non pas parlé-baratiné, mais parler vrai, du fond de l'âme, parce que la vie est sacrée, et chaque instant précieux.
Il part en bus.
"J'ai déambulé comme un fantôme hagard, et je l'ai rencontrée, cette Frisco, ses longues rues lugubres, les câbles du tramway dans ses bandelettes de brouillard et de blanc"
Il retrouve Henri Cru :
"C'était un français, un gars de vingt ans, grand brun sexy, genre marseillais qui fait du marché noir."
Puis les relations s'enveniment entre Henri Cru et Diane, sa petite amie. Le manque d'argent, le manque de projets. Puis c'est la rupture entre Jack Kerouac et Henri Cru, quand le père d'Henri, professeur de français leur rend visite. Henri Cru veut se montrer à son avantage devant son père, mais Jack Kerouac, complètement bourré fait tourner la soirée en cauchemar.
"Henri ne m'adressera plus la parole, ce qui est affreux, parce que je l'aimais beaucoup et que j'étais une des rares personnes à savoir à quel point il était authentique et généreux. Il allait lui falloir des années pour s'en remettre."
Après avoir escaladé la montagne qui borde San Francisco et fait le point sur sa vie et ses rêves, il part, furtivement. Son premier objectif : Hollywood (quartier de Los Angeles)
Il arrive à Fresno, patrie de l'écrivain Américano-arménien William Saroyan.
"Je suis allé prendre un coca vite fait dans une petite épicerie le long des voies, et voilà qu'entre un jeune Arménien mélancolique, le long des wagons de marchandises rouges, et juste à ce moment-là on entend hurler une loco. Bien sûr, je me dis, c'est la ville de Saroyan. Où est-il parti ce Mourad? Vers quels ténèbres, quels rêves de Fresno?
Puis enfin, à Los Angeles :
"Nous sommes descendus du car dans Main Street, on aurait pu être dans n'importe quelle ville , Kansas City, Chicago, Boston, briques rouges, crasse, types locaux qui traînent, tramways qui grincent dans l'aube, odeur putassière de la grande ville"
"L.A. est la plus solitaire, la plus brutale de toutes les villes américaines."
"les trottoirs grouillaient d'individus les plus Beat du pays."
Puis il remonte au nord, à Bakersfield en compagnie de Béatrice Franco, une petite mexicaine rencontrée quelques jours plus tôt.
Il passe la nuit avec elle, dans la gare, au milieu des trains de marchandises, au milieu des caisses :
"Ah, la belle nuit à serrer sa chérie dans ses bras, à parler, à gicler, en partance pour le paradis. Tout ça, on n'y a pas manqué."
Puis ils retournent à Fresno où il cueille le coton :
"J'avais la tête pleine de cette chanson grandiose 'Lover Man', telle que Billie Holiday la chante."
Someday we'll meet,
and you'll dry all my tears,
and whisper sweet,
little words in my ear,
huggin' an kissin'
Oh what we've been missing'
Lover Gal Oh where can you bed"Un jour on va se rencontrer,
Et tu sécheras mes larmes,
En me chuchotant à l'oreille
Des petits mots doux,
Avec des baisers,
Serré fort contre toi.
Ah! Tout ce qu'on rate,
Poupée d'amour où es-tu ?"A bout de force, sans argent, il décide alors de rentrer à New York. Il repasse par Hollywood :
"Quelqu'un avait incliné le flipper de l'Amérique, et tous les dingues dégringolaient comme des boules sur L.A. dans l'angle sud-ouest. J'ai pleuré sur nous tous. Tristesse de l'Amérique, folie de l'Amérique : sans fond."
Il quitte la Californie en car, traverse l'Arizona, le Nouveau Mexique, le Texas, l'Oklahoma, le Kansas, le Missouri, l'Illinois, l'Indiana, l'Ohio, la Pennsylvanie.
Il quitte Pittsburgh et passe par Harrisburg où il évoque le fantôme de Susquehanna.
A Harrisburg, à 250 km de New-York
"La nuit passée à Harrisburg m'a donné une idée des tourments des damnés, pas connu pire depuis. Il m'a fallu dormir sur un banc dans la gare; à l'aube les receveurs m'ont jeté dehors. Car, n'est-ce pas, on entre dans la vie, mignon bambin confiant sous le toit de son père. Puis vient le jour des révélations de l'Apocalypse, où l'on comprend qu'on est maudit, et misérable et pauvre, et aveugle, et nu, et alors, fantôme funeste et dolent, il ne reste qu'à traverser le cauchemar de cette vie en claquant des dents. Je suis sorti chancelant, égaré. Je ne savais plus ce que je faisais. Je ne voyais du matin qu'une blancheur de linceul. Je mourrais littéralement de faim. Pour trouver des calories, il ne me restait que quelques pastilles contre la toux, achetées à Preston, dans le Nebraska, des mois auparavant, je les ai sucées, à cause du sucre. Je ne savais pas faire la manche. Les jambes flageolantes, à bout de forces, j'ai eu bien du mal à me traîner aux limites de la ville. Je savais que je me ferai arrêter si je passais une nuit de plus sur place. Maudite cité !"
Enfin il arrive à New-York
"D'un seul coup je me suis retrouvé dans Time-Square. J'avais fait un aller et retour de douze mille bornes sur le continent américain et je me retrouvais dans Times Square; et en pleine heure de pointe, en plus, si bien que mon regard innocent, mon regard de routard, m'a fait voir la folie, la frénésie absolue de cette foire d'empoigne, où des millions et des millions de New-Yorkais se disputent le moindre dollar, une vie à gratter, prendre, donner, soupirer, mourir, tout ça pour un enterrement de première classe dans ces abominables villes mouroirs, au-delà de Long Island. Les hautes tours du pays, l'autre bout du pays, le lieu où naît l'Amérique de papier."
En 1948 il termine son livre et s'inscrit à la faculté.
Puis arrivent Neal Cassady et Al Hinkle.
Hal Hinkle
Pour payer le voyage, Al Hinkle avait accepté d'épouser Helen Argee qui prendra les frais en charge. Ils l'abandonneront à Tucson (Arizona) quand elle n'aura plus d'argent.
Jack Kerouac parle de Neal Cassady : "Mon Dieu, comme il a changé! Ses yeux crachaient des éclairs de fureur quand il parlait de quelque chose qu'il détestait, et ils s'illuminaient d'une grand joie quand le bonheur lui revenait; tous ses muscles tressaillaient de vie et d'élan."
Arrivés à New York, c'est la période Noël–Nouvel An et toute la bande fait la fête, folle, jours et nuits chez les amis de Jack Kerouac.
Jack Kerouac en parlant de sa mère qui l'a toujours soutenu, moralement et financièrement :
"Elle m'a dit un jour que le monde ne trouverait pas la paix tant que les hommes ne se jetteraient pas aux genoux de leur femme pour lui demander pardon."
" La seule chose qu'on souhaite ardemment, tous les jours de sa vie, celle qui nous fait soupirer, gémir, éprouver toutes sortes de bouffées de douceur écœurante, c'est le souvenir de la béatitude perdue qu'on a dû connaître dans le ventre maternel, et qui ne peut se retrouver – mais on ne veut pas l'admettre – que dans la mort"
Puis c'est un nouveau départ en voiture de Jack Kerouac, Neal Cassady et son épouse LuAnne Anderson vers la Californie. Avec un détour par New Orléans pour déposer Al Hinkle qui doit retrouver son épouse, hébergée par William Burroughs.
Sur la route de la Nouvelle Orleans il évoque : " La pureté de la route"
LA CAROLINE DU NORD
"Tout à coup le pays nous apparaissait, à lui comme à moi, comme une huitre à gober. La perle était à l'intérieur, elle était là."
LA GEORGIE
"Quinze bornes plus loin, Neal a coupé le moteur pour entrer dans une station-service, il a vu que le pompiste dormait, il est sorti prestement, il a fait le plein sans bruit, en prenant garde de ne pas déclencher la cloche, et il a filé à l'anglaise avec un plein de cinq dollars pour notre pèlerinage."
LA FLORIDE
L'ALABAMA
LA LOUISIANE : New-Orleans,
"On a vu s'annoncer la Nouvelle Orleans dans la nuit qui nous attendait : la joie. Neal a caressé son volant :"Alors là, ça va être le pied." Au crépuscule, nous arrivions dans les rues bourdonnantes. "Oh, sentez-moi les gens!" s'est écrié Neal qui passait la tête par la portière pour mieux humer la ville. "Ah Bon Dieu quelle vie!"
Ils arrivent chez William Burroughs.
William Burrough
Ils sont reçus par Joan Vollmer Adams, la femme de Burroughs.
"A la fin je suis parti me promener tout seul sur les levées de terre. Je voulais m'asseoir sur la rive boueuse pour m'imprégner du Mississippi. Mais j'ai dû me contenter de regarder derrière un grillage, le nez collé dessus. Quand on se met à séparer les gens de leurs fleuves, qu'est-ce qui reste ?"
Puis c'est de nouveau la route.
LE TEXAS
LE NOUVEAU MEXIQUE
L'ARIZONA
Enfin San Francisco, LA CALIFORNIE
"Les immeubles du centre brillaient de tous leurs feux. (Ça faisait penser à Sam Spade*). Le brouillard déferlait, les bouées s'ébrouaient dans la baie. Market Street grouillait de monde et de matelots; odeur de hot-dog, de bouffe; bars bruyants; crissements de frein dans la circulation – le tout dans une brise délicieuse qui nous a tourné la tête quand on est descendu de voiture dans O'Farell Street, nez au vent, étirant nos carcasses, chancelant comme le voyageur au long cours qui sent encore la rue chanceler sous son pas."
* Sam Spade : personnage du roman 'le faucon maltais' interprété au cinéma par Humphrey Bogart.
"On avait pas d'argent; Neal s'était bien gardé d'aborder le sujet. "Où on va crécher?" On a déambulé au fil des rues étroites et romantiques, en trimbalant nos hardes dans un balluchon."
"Et l'espace d'un instant, j'ai atteint le point d'extase que j'avais toujours appelé de mes vœux, le saut absolu par-dessus le temps des pendules, jusqu'aux ombres intemporelles, et le désarroi dans la misère du royaume mortel, avec la sensation de devoir avancer talonné par la mort, fantôme traqué par lui-même, dans ma course vers un tremplin d'où s'élançaient les anges de l'infini. Tel était mon état d'esprit. Je croyais que l'allais passer d'un instant à l'autre"
Il va voir le spectacle de Slim Gaillard, chanteur et compositeur de jazz américain et décide de rentrer chez lui à New-York.
"J'ai reçu mon nouveau chèque de l'armée, et j'ai fait mes préparatifs pour rentrer chez moi. Ce que m'avait rapporté cette virée, je n'en sais rien. Carolyn avait hâte que je m'en aille; que je parte ou que je reste, Neal s'en fichait pas mal."
"C'était la fin, je voulais me tirer. A l'aube je suis monté dans le car de new York, et j'ai dit au revoir à Neal et LuAnne. Ils voulaient que je partage mes sandwichs avec eux, mais j'ai dit non. On s'est fait la gueule. On se disait tous qu'on ne se reverrait jamais, et on s'en fichait. Voila tout.
Il apprend que ses amis s' embarquent sur le Queen-Mary, en partance pour la France; il y a John Holmes, Ed Stringham, Ed White
Bob Burford, Frank Jeffries, Allen Ginsberg, Hal Chase et Lucien Carr.
Ne pouvant les suivre il décide de repartir à San Francisco.
"Une fois de plus, je voulais aller à San Francisco. Tout le monde veut y aller, et pourquoi faire ? Au nom du ciel et des étoiles, pourquoi faire ? Pour la joie, le pied, pour cet éclat dans la nuit."
A San Francisco il retrouve Neal Cassady et Carolyn son épouse qui attendait son 2ème enfant.
Jack parle avec enthousiasme de préparer un voyage en Italie. Neal le regarde, incrédule.
"Notre amitié a sans doute franchi une étape décisive quand il a compris que j'avais passé des heures à penser à lui; il essayait d'intégrer cette donnée dans ses catégories mentales si perturbées, si emberlificotées. Le déclic s'est fait dans son âme et dans la mienne"
Là, il demande à son ami Bill Tomson d'être leur chauffeur pendant leur virée.
Après deux soirées de beuveries et de musique Jack et Neal repartent pour new York.
A Denver, ils se fâchent, pour une broutille
NC: "Je pleurai"
JK : "Toi ? Tu pleures jamais."
NC : "Ah bon ? Qu'est ce qui te fait dire ça ?"
JK :"Tu meurs pas assez pour pleurer."
"Dès que je me suis retrouvé tout seul avec Brierly et Burmeister, -un grand étudiant aux cheveux frisés qui détestait Neal- ils se sont mis à disséquer Neal, et à me demander pourquoi je m'encombrais d'un type pareil. "Je trouve que c'est un gars génial. Je sais ce que vous allez me dire. Vous savez que j'ai essayé de résoudre les problèmes de ma famille."Je ne savais pas quoi dire. J'avais envie de pleurer. C'est vrai, merde, il faut toujours s’expliquer sur ce qu'on fait, sur ce qu'on dit."
Puis c'est le départ en catastrophe de Denver, suite à une affaire de voitures volées par Neal Cassady.
Ils arrivent à Chicago."Tout à coup nous étions dans Madison Street parmi des hordes de vagabonds, certains répandus sur le trottoir, leurs pieds dans le caniveau, et des centaines d'autres qui allaient et venaient sur le seuil des bars et dans les ruelles"
Il entend jouer Lester Young, (dit Prez), saxophoniste qui révolutionnera la musique Jazz par ses improvisations.
Puis Georges Shearing, célèbre pianiste aveugle qui mourut à 91 ans.
"Il a joué des chorus innombrables, truffés d'accords stupéfiants, qui montaient de plus en plus, tant et si bien que le piano était éclaboussé de sueur, et que tout le monde écoutait, sidéré, interdit."
Ils arrivent à Détroit
"Neal a secoué la tête, tout triste "C'est pas chouette par ici, mec, c'est vraiment une ville de merde" Et c'est vrai que Détroit est une des villes les plus nulles d'Amérique. Des kilomètres et des kilomètres d'usines, et le centre ville pas plus grand que Troy dans l'état de New York, sauf que la population se chiffre par millions. Et partout c'est le fric, le fric, le fric."
"Si on avait passé Détroit au crible, on aurait obtenu un bel échantillon de la lie de la société"
Après avoir passé une nuit dans un cinéma permanent, faute de pouvoir se payer une chambre :
"Quand les voilages gris d'une aube-fantôme sont venus bouffer aux fenêtres du cinéma et s'accrocher aux tuiles tu toit, je dormais sur le bras d'un fauteuil; six employés convergeaient avec la somme totale des déchets de la nuit pour en faire un énorme tas m'arrivant jusque sous les narines – je ronflais face au sol – et ils ont bien failli me balayer avec. C'est Neal qui me l'a raconté, il regardait la scène, dix rangées derrière moi. Tous les mégots, toutes les bouteilles, les boites d'allumettes vides, tout le ressac de la nuit venait grossir ce tas. S'ils m'avaient emporté avec, Neal ne m'aurait jamais revu. Il lui aurait fallu sillonner les Etats Unis, d'une côte à l'autre, et faire toutes les poubelles, avant de me retrouver recroquevillé en position fœtale dans les déchets de ma vie, de la sienne et toutes celles en rapport, voir celles sans aucun rapport. Et qu'est ce que je lui aurais dit, depuis ma poubelle matricielle ? "Fous moi la paix, je suis très bien où je suis. De quel droit viens-tu perturber ma rêverie dans ce vomitoire"
"C'était la fin. Il ne nous restait plus que le désespoir."
Arrivé à New York, Jack Kerouac n'a bientôt plus qu'une envie : repartir.
".. ensuite le fait que lorsque le printemps arrive à New York, je suis incapable de résister à l'appel de la terre, qui me parvient depuis le New Jersey, sur les ailes du vent; il faut que je parte."
Il part en car.
D'abord la Virginie, Washington, Charleston, le Kentucky, l'Indiana, le Montana, le Missouri, le Kansas, le Colorado
A Denver, ils retrouve Ed White et Frank Jeffries
Puis Neal Cassady arrive à Denver pour participer au voyage au Mexique. Nous sommes en 1950.
Ils partent à trois : Jack Kerouac Neal Cassady et Franck Jeffries
"Et Denver s'est éloignée, derrière nous, cité de sel, ses fumées délitées dans l'atmosphère, dissoutes à nos regards."
A San Antonio, la porte du Mexique
"Pendant ce temps là, Neal et moi on est allé explorer les rues de San Antonio-du-Mexique La nuit était douce et parfumée à ne pas croire, et noire, et mystérieuse, effervescente. Des silhouettes de filles en bandana blanc surgissaient de l'obscurité. Neal avançait à pas de loup, sans mot dire. "Ah, c'est trop beau pour tenter quoi que ce soit!", il a chuchoté."Avançons sans bruit, ne perdons rien du spectacle."
Ils entrent au Mexique
"On l'avait enfin trouvé le pays magique, au bout de la route, et sa magie dépassait de loin toutes nos espérances."
Neal Cassady :
"Il est maintenant possible de ne plus penser à rien d'autre, et d'avancer, le menton levé comme ça, tu vois, pour comprendre le monde comme, à vrai dire, les autres Américains n'ont pas su le faire avant nous..."
"Waow ! s'est écrié Neal. Et tout ça au soleil. T'as vu ce soleil mexicain, Jack ? Il te défonce. Whaou ! Je veux continuer comme ça ... c'est la route qui me conduit."
A Victoria, la fête commence
"Je voyais des flots d'or ruisseler du ciel, je sentais la présence de Dieu dans la lumière, autour de la voiture, dans les rues chaudes et ensoleillées. En regardant par la vitre, j'ai vu une femme sur le pas de sa porte, et je me suis dit qu'elle écoutait toutes nos paroles et acquiesçait pour elle-même – paranoïa du fumeur d'herbe"
Dans le bordel de Victoria
"Je tentais de me dégager pour m'approcher d'une mulâtresse de seize ans, qui inspectait son nombril d'un air sinistre par l'échancrure de sa robe légère, à l'autre bout de la piste de danse. Franck avait une fille de quinze ans au teint d'amande, avec une robe dont les boutons du haut comme ceux du bas étaient ouverts. De la folie. Il y avait bien une vingtaine d'hommes accoudés à la fenêtre pour nous regarder."
A Limon, village après Victoria, dans une chaleur étouffante ils essayent de dormir :
"Allongé sur le toit de la voiture, visage plongé dans le ciel noir, je me faisais l'effet d'être enfermé dans un coffre par une nuit d'été. Pour la première fois de ma vie, l'air du temps n'était pas quelque chose qui me touchait, me caressait, me glaçait ou me mettait en nage, mais se fondait en moi."
Ils arrivent à Mexico
MEXICO Paseo de la reforma - artère principale
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Le tapuscrit de Jack Kerouac s'arrête là. Il en manque 1 mètre. Il été détruit par un chien, le chien de Lucien Carr.
Cette partie a été reconstituée par Howard Cunnell à partir des versions écrites par Kerouac après 1951
(Howard Cunnell est l'éditeur du rouleau)
A Mexico, Jack Kerouac tombe malade :
"Et oui j'ai attrapé une fièvre, je me suis mis à délirer, j'ai perdu connaissance. En levant les yeux du maelström, noir de mon cerveau, j'ai compris que je me trouvais dans un lit à trois mille mètres d'altitude, sur le toit du monde, j'ai compris que j'avais vécu une vie complète et bien d'autres dans la pauvre gangue atomisée de mon corps, et que j'avais fait tous les rêves."
Et Neal Cassady repart à New York, seul.
Jack Kerouac rentrera à New York. Il épousera Joan Haverty.
Il retrouvera Neal Cassady, venu le voir à New York, quelques jours. Puis Neal repartira à San Francisco, rejoindre Carolyn Robinson sa deuxième épouse dont il est divorcé.
Le livre se termine par ces mots de Jack Kerouac
"Je pense à Neal Cassady, je pense à Neal Cassady."
Jack Kerouac se mariera trois fois :
- La première fois, il épousera Edie Parker qu'il quittera deux mois plus tard.
Edie Parker
- La deuxième fois, en 1951, il épousera Joan Harverty. Ce mariage ne durera guère plus longtemps que le premier puisque six mois
Joan haverty
plus tard, ils se quitteront. Janet Michelle (Jan), sa fille, est issue de ce second mariage, née le 16 février 1952, mais Kerouac ne la reconnaîtra jamais vraiment. elle suit les traces de son père et devient écrivaine. Elle publie deux volumes, Baby Driver en 1981 et Trainsongs en 1988. Elle décède en 1996 à l’âge de 44 ans alors qu’elle travaillait sur son troisième volume intitulé Parrot Fever. Elle n’a pu mener à terme la contestation du testament de son père qui fait en sorte que la famille Sampas a hérité des biens de Jack Kerouac.
- Son troisième mariage, en 1966, fut avec Stella Sampas, sœur d'un ami d’enfance tué en Europe au cours de la seconde guerre mondiale.
Stella Sampas
Après bien des remaniements, le roman est publié en septembre 1957.
Le succès est foudroyant.
Le New York Time écrira :
"Le livre est une œuvre d'art authentique, un roman majeur" et qualifie sa publication "d'évènement historique"."Comment vivre devient alors plus crucial que pourquoi vivre."
D'autres comme le New York World-Telegram dira que :
"Kerouac traine la cloche depuis 6 ans. Ses personnages sont pleurnichards, sont des paumés qui ont besoin d'un bon coup de pied aux fesses."
Mais les réimpressions se multiplient.
En 1958 deux universités l'on déjà inscrit à leur programme de littérature moderne.
Jack Kerouac vivra très mal ce succès avec l'impression que personne n'a compris véritablement le sens de son livre et qu'on le prend simplement pour "le roi des beatniks."
Ce sera pour lui un "succès calamiteux"
Jack Kerouac avait alors écrit dans une lettre :
«Trop d’adulation est pire que l’indifférence»
Tags : jack Kerouac, sur la route, beat generation, neal cassady, allen ginsberg, columbia, william burroughs, tapuscrit
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