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l'île Amantani
Nous partons vers 9 heures dans un petit bateau qui fait la navette entre la presqu'île de Capachica et l'île Amantani.
Les autres passagers, une dizaine, sont des Péruviens. Il y a parmi eux un policier en tenue, homme grand et corpulent d'une cinquantaine d'années, avec blouson et brodequins. Impressionnant. Micky lui demande s'il veut voir nos passeports. Il commence à répondre sérieusement puis avec un grand sourire nous dit qu'il n'est pas là pour contrôler les identités, mais qu'il va sur l'île pour des questions administratives. Nous rions tous. Une famille avec 3 enfants s'est installée sur le toit du bateau. Le soleil chauffe déjà. Pendant la traversée d'une heure, nous avons l'occasion de discuter avec quelques personnes.
L'une d'elle, Guillermo nous raconte qu'il est né sur cette île puis qu'il est parti sur le continent pour travailler. Il a 72 ans et depuis une vingtaine d'années il est revenu sur "son île" et il s'y sent très bien. Nous comprendrons pourquoi au cours de la journée.
Nous approchons de l'île modelée par les cultures en terrasses.
En arrivant sur le port un guide devait nous attendre. Mais personne.
" Ami voisin visiteur pour la santé de tous ne jetez pas de déchets dans le lac Titicaca"
Nous ne savons rien de cette personne sauf qu'elle a une fille qui s'appelle ERICA. Nous ne pouvons pas rappeler nos hôtes à Capachica, le téléphone ne "passe pas". Après avoir erré quelques minutes près de l'embarcadère nous demandons à une femme qui tient une petite boutique. Elle croit savoir où habite cette famille d'accueil et une autre femme nous accompagne sur le sentier vers leur maison.
Il n'y a pas de route sur l'île, pas de voiture. Les chemins sont très bien aménagés, en pierres plates alors que jusqu'ici nous n'avons connu que des chemins de terre, parfois défoncés par les intempéries. Enfin nous arrivons à la maison de notre guide. Il est dans son jardin avec son épouse et sa mère âgée, occupés à planter des pommes de terre. La mère, corpulente comme le sont beaucoup de Péruviennes, est assise par terre sur le bord du jardin. Elle sépare la terre des touffes d'herbe arrachées. Ils sont tous pieds nus. En nous voyant, ils remontent à la maison et nous faisons les présentations.
Lui s'appelle RUBEN et sa femme FANNY. (Nous c'est Jacky et Micky).
Après s'être changé, RUBEN nous propose, comme convenu, une
ballade dans son île. Il emporte une flûte.
L'île compte environ 3 000 habitants.
Nous empruntons une allée dallée, entre les habitations.
Toutes les maisons sont construites avec de grosses briques de terre séchées au soleil.
Tout est très propre. Les maisons ne
sont pas alignées mais construites
comme au hasard, avec un jardin
attenant. Il n'y a pas de clôture et
toutes sont différentes de forme
mais il n'y a pas de grande
différence de taille.
Le tout est harmonieux, agréable à regarder.
C'est le printemps, l'époque des semailles et plantations. Les agriculteurs s'activent avec leurs outils rudimentaires.
Pour travailler la terre et semer, ils se servent de la CHAQUITACLLA, un outil déjà utilisé au temps des Incas.
Elle est faite d'un manche en bois, taillé à la main et à l'extrémité, une "langue" de métal. Une autre pièce de bois située dans le bas du manche, perpendiculairement, sert à pousser l'outil avec le pied. Cette pièce est parfois entourée de paille lorsque l'agriculteur travaille les pieds nus. Les trois pièces sont maintenues par des lanières.
Au temps des Incas, cet outil ne comportait pas de langue de métal. Le manche était terminé par une pointe que l'agriculteur enfonçait dans la terre, pour la retourner.
CHAQUITACLLA signifie en langue quechua : Chaqui: le pied et Taclla : le bâton.
Tout le travail se fait à la main et toute la famille participe. Les hommes préparent la terre, creusent les sillons et la femme plante des pommes de terre. Tous les habitants que nous croisons répondent à notre "bonjour" et tous connaissent Ruben.
Tout en marchant il souffle dans sa flûte
Le tourisme n'est pas encore très développé et quelques familles, sélectionnées, sont chargées d'accueillir les touristes, soit à la journée et pour certains, en pension complète. Les familles accueillent les touristes à tour de rôle.
Nous apprendrons que l'île, de 9 km², forme en fait un grand village, que tout le monde se connait. Le gouvernement péruvien a beaucoup investi dans cette île et chacun possède l'eau courante et l'électricité fournie par des panneaux solaires installés au sommet d'une colline. Nous passerons à côté tout à l'heure.
Les postes de télévision sont rares. Ruben n'en possède pas. Il a la radio.Après avoir dépassé les maisons, nous empruntons un chemin de terre qui monte et traverse les parcelles cultivées en terrasses.
Ce sont des parcelles de 100 à 200 m². Le sol est très caillouteux et les pierres enlevées des champs sont placées tout autour et forment des murets peu élevés. C'est à l'appréciation et selon le tempérament de chacun. Certains murets ont 1 mètre de haut, d'autres 20 cm et certaines parcelles n'ont pas muret. Les pierres sont déposées en tas dans un coin. Tout en marchant et entre les explications, Ruben joue de la flûte.
Il nous raconte qu'au fil des générations, les parcelles diminuent de surface. À la mort du père, le terrain est partagé entre les enfants à parts égales, entre les garçons et les filles.
Une plante qui pousse le long des murets, la "muña" ou "munia" est très
utilisée.
Elle nous sert, entre autres à reprendre du souffle. À près de 4 000 mètres, l'air est rare et au moindre effort nous sommes essoufflés. Cette herbe, écrasée entre les mains puis inhalée supprime (pour un temps) les effets de l'altitude. Nous l'avons testée. C'est vrai. C'est impressionnant.
L'île est divisée en deux parties administratives comportant chacune un pic : le PACHATATA, la terre du père et le PACHAMAMA la terre mère. Chacune de ces parties est ensuite divisée en districts, dirigés chacun par un administrateur.
Le district où vit Ruben est "Lampayuni"
Dans chaque district l'organisation des cultures est exemplaire. La surface du district est divisée en quatre parties. Par exemple, la 1ère partie cultivera des pommes de terre, la deuxième du blé, la troisième des haricots et la quatrième, non cultivée servira de pâturage aux vaches et aux moutons. L'année suivante, il y aura une rotation des cultures et ceux qui avaient cultivé des pommes de terre, cultiveront des haricots, etc. Le sol est fertilisé par du guano séché. Par cette organisation, la terre reste fertile. Toute la production est consommée sur l'île qui est auto-suffisante.
Nous longeons une parcelle où une famille prend son repas. Sur une couverture étendue par terre elle a déposé la nourriture. Une sorte de pique-nique. Il y a plusieurs adultes et des enfants. Avec Ruben, nous approchons, nous échangeons quelques mots et ils nous invitent à goûter à leur repas.
Il y a des pommes de terre, des petites pommes de terre noires et blanches, des fèves et d'autres légumes. Un homme mange une tête de poisson. C'est son régal dit-il. Avec les doigts il récupère d'infimes morceaux de chair qu'il avale avec délice. Les pommes de terre noires sont congelées l'hiver (en les laissant à l'extérieur). Elles peuvent se conserver plusieurs années
Au sommet de la colline, Ruben nous rejoue de la flûte.
Nous sommes transportés plusieurs siècles en arrière. Ici, les modes de vie ont peu changé, les outils araires sont les mêmes, les cultures sont les mêmes.
Il y a 50 ans les habitants n'avaient jamais vu un touriste. Puis, une année, 1 ou 2 sont passés. Puis le tourisme s'est développé et organisé. Il a apporté des revenus complémentaires appréciables. Il y a dans l'île Amantani plusieurs familles qui accueillent les touristes pour la journée ou qui les hébergent pour la nuit. D'autres aimeraient le faire aussi mais cela nécessite une mise de fond. Il faut que la famille puisse accueillir le touriste avec un minimum de confort. Chez Ruben, il n'y a pas d'eau chaude mais dès qu'il le pourra, il l'installera.
Le centre d'organisation du tourisme est à Puno. Il délivre les autorisations et accorde des prêts à taux réduits pour permettre aux familles de s'équiper.
En haut de la colline se trouvent les panneaux solaires qui fournissent l'électricité à toute l'île
Puis nous redescendons vers le centre du village, sur la place où se trouvent le centre médical qui dispense les soins gratuitement, l'école et le collège.
Au centre de la place une stèle porte la statue de MANCO
CAPAC, le fondateur de l'empire inca. Il tient à la main lacrosse sacrée. Selon la légende il devait fonder son empire là
où la crosse s'enfoncerait dans le sol. Ce fut à l'emplacement
de la ville actuelle de Cusco.
La principale fête d’Amantani se déroule chaque année le
3ème jeudi de janvier. Les communautés se retrouvent en haut
de l’île sur les sites de PACHAMAMA et PACHATATA,
à l'emplacement d'anciens temples incas. C'est le début de
l'été, la saison des pluies et les cérémonies doivent favoriser
les averses indispensables aux cultures.C'est le seul moment de l'année où les sites sont ouverts
aux visiteurs.
.De retour à la maison de Ruben nous partageons le repas . . .
. . . et nous disons adieu à nos hôtes si charmants.
Un bateau nous attend à l'embarcadère.
La loi du partage est la règle sur l'île et la liste des embarcations est affichée à la fenêtre du bureau. C'est à chacun son tour de conduire les touristes.
Nous gardons un souvenir ému de cette visite.
Évidemment nous n'avons passé que quelques heures dans cette île et nous ne pouvons pas nous faire une idée complète de la vie de ses habitants.
C'est une île sans bruit, à l'organisation équitable, avec des conditions de vie difficiles.
Cependant, à ce que nous avons vu, à la gentillesse des habitants, à ce que nous a raconté le guide, à la politesse des habitants, à cette famille qui nous a invité à partager son pique-nique, à ce qu'il n'y a pas de gendarme et de commissariat que les décisions sont prises en communauté, que les biens sont partagés équitablement, que les zones de pâturages ouvertes à tous, permettent au delà de ce partage, à souder les habitants, et sans vouloir tout envelopper de rose, nous pouvons penser que la vie y est paisible et harmonieuse.
Le tourisme apporte des revenus appréciables et reste dans des proportions humaines, dans un cadre authentique.
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Tags : titicaca, amantani, capachica, chaquitaclla, culture en terrasse, muña, pachamama, pachatata, incas, lampayuni, Manco Capac
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Commentaires
1LydieMardi 24 Décembre 2019 à 21:50Coucou vous êtes repartis au Pérou ?le téléphone fixe sonne toujours occupé quand je vous appel bonne fête de fin d annéeRépondre
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